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innovation pourrait recevoir une application plus générale et devenir ainsi une barrière opposée à des conflits qui, souvent, n’éclatent que parce qu’il n’est pas possible de s’expliquer et de s’entendre ; » et le traité de 1856 avait tranché nettement la question : « S’il survenait entre la Sublime Porte et l’une ou plusieurs des autres puissances signataires un dissentiment qui menaçât le maintien de leurs relations, la Sublime Porte ou chacune des puissances, avant de recourir à l’emploi de la force, mettront les autres parties contractantes en mesure de prévenir cette extrémité par leur action médiatrice. » Ce précédent n’était pas le seul. La conférence de Berlin, en 1885, astreignait les puissances signataires de l’acte général du 26 février ou celles qui y adhéreraient par la suite, en cas de dissentiment qui se produirait dans les limites du bassin conventionnel du Congo ou au sujet de ces limites, « à recourir à la médiation d’une ou de plusieurs puissances amies avant d’en appeler aux armes. »

Toutefois le projet russe avait une beaucoup plus grande portée. Il était ainsi conçu : « Les puissances signataires ont décidé qu’en cas de dissentiment grave ou de conflit, avant d’en appeler aux armes elles auront recours, en tant que les circonstances l’admettraient, aux bons offices ou à la médiation d’une ou de plusieurs puissances amies (art. 2). » « Les puissances jugent utile que dans les cas de dissentiment grave ou de conflit entre États civilisés concernant des questions d’intérêt politique, indépendamment des recours que pourraient avoir les puissances en litige aux bons offices ou à la médiation des puissances non impliquées dans le conflit, ces dernières offrent, de leur propre initiative, en tant que les circonstances s’y prêteraient, aux États en litige, leurs bons offices ou leur médiation, afin d’aplanir le différend survenu, en leur proposant une solution amiable qui, sans toucher aux intérêts des autres États, serait de nature à concilier au mieux les intérêts des parties en litige (art. 5). »

Ainsi donc, à la veille même des hostilités, on tentait de faire un double effort pour empêcher les puissances de se dérober à la médiation. La parole est d’abord aux parties intéressées. Mais c’est le moment où l’on n’écoute rien : chacun se regarde comme blessé dans son honneur ou comme atteint dans ses intérêts fondamentaux ; furor arma ministrat ; la médiation même apparaît comme une sorte de lâcheté. Les puissances non impliquées dans le conflit entrent alors en scène. Celles-ci verront clair : elles