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à en détourner les placemens d’argent. Et cependant il faut arriver à trouver le milliard que coûtera rétablissement des chemins de fer qu’on y projette. Si les travaux d’art ne paraissent pas devoir être très considérables ni très dispendieux dans la Chine centrale, à l’exception de quelques grands ponts, notamment sur l’intraitable Fleuve Jaune ; si la main-d’œuvre promet d’être à très bon marché, — un terrassier se payant au plus 50 centimes par jour ; — il convient de prévoir des frais d’expropriation importans en un pays aussi bien cultivé. Beaucoup des sommes dépensées de ce chef n’arriveront sans doute pas jusqu’aux propriétaires intéressés ; on n’en devra pas moins les payer. Il n’est donc nullement exagéré de penser que le kilomètre coûtera en moyenne 100 000 à 110 000 francs. Laissons de côté, si l’on veut, les 2 400 kilomètres de chemins construits par la Compagnie de l’Est chinois, qui n’est là que pour masquer le gouvernement russe, principal actionnaire et bailleur de fonds ; mettons à part aussi les lignes voisines du Tonkin dont la principale, celle du Yunnan, fait l’objet d’une garantie d’intérêts du gouvernement français. Il reste encore quelque 6 000 kilomètres pour lesquels il faut trouver 650 à 700 millions. Il semblerait naturel que ceux-ci fussent fournis par des gens hardis, auxquels l’appât d’un gros gain ferait oublier les risques possibles.

Malheureusement la forme dans laquelle on fait appel aux capitaux européens est telle qu’elle paraît leur laisser toutes les mauvaises chances, en leur enlevant les bonnes. On ne donne pas aux sociétés de chemins de fer de véritables concessions, comme on l’a fait en France, en Angleterre, en Espagne et ailleurs, ou la propriété perpétuelle de leurs lignes, comme c’est l’usage aux Etats-Unis. C’est ici le gouvernement chinois qui fait construire pour son compte par des entrepreneurs européens, et émet à cet effet un emprunt gagé sur ses ressources générales, et spécialement sur les recettes de la ligne à construire après paiement des frais d’exploitation et d’administration, le gage des obligataires étant une première hypothèque sur la ligne, son matériel fixe et roulant et ses produits. Ainsi s’expriment, en des termes très semblables, les contrats relatifs au chemin de fer franco-belge de Pékin à Hankéou et au chemin de fer anglais de Shanhaï-Kwan à Newchwang. Une fois construit, le premier sera mis entre les mains d’une société d’exploitation européenne qui, après le prélèvement de l’intérêt de l’emprunt de construction