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pour les voyageurs. Les chemins de fer auront à lutter contre deux concurrences : celle des jonques et celle des porteurs. — Il n’y a guère à se préoccuper des animaux de trait ou de bât. A l’exception de la partie septentrionale de la province du Tchili, où les chameaux de Mongolie, les magnifiques mules et les petits ânes râblés de Pékin sont largement employés aux transports, il n’existe qu’une quantité insignifiante de bétail dans la Chine proprement dite, comme partout en Extrême-Orient. La concurrence de la navigation paraît moins redoutable en Chine qu’au Japon, ou, à défaut de cours d’eau navigables, la mer pénètre de toutes parts dans les terres, où les neuf dixièmes de la population vivent à moins de huit ou dix lieues des côtes, dont une foule de petits vapeurs vont fouiller les excellens havres. Les côtes de Chine, à l’exception de la partie élevée, comprise entre Ningpo et Canton, au sud du Yang-tze, et de quelques points du Chantoung, n’offrent guère que des rades foraines et des estuaires envasés précédés de barres difficiles à franchir. A l’intérieur, sans parler de la magnifique voie maritime du bas Yang-tzé, plusieurs des affluens de ce fleuve, ainsi que la Rivière de l’Ouest qui aboutit à Canton, sont navigables. Mais le nombre des voies qui pourront d’ici longtemps être aisément parcourues par des bateaux à vapeur, est encore très restreint, relativement à l’étendue immense du pays. L’excessive lenteur des transports par jonques, les portages et les transbordemens, les chances de perte et d’avarie qui en résultent pour les marchandises, sans compter les exigences des hordes de préposés aux douanes intérieures qui s’abattent sur les bateaux à chaque escale, font que les chemins de fer peuvent, sans détruire entièrement, à beaucoup près, ce trafic, vivre et prospérer à côté, comme le fait le chemin de fer de Tientsin à Pékin, qui double à quelques kilomètres de distance la voie fluviale du Peï-ho. Le jour où le Grand Canal impérial aura pu être restauré, où les diverses rivières seront entretenues en bon état, où le likin aura cessé d’être oppressif, ne suivra sans doute que de loin l’ouverture des principaux chemins de fer, et ce jour-là, la Chine aura déjà été assez transformée par le progrès pour que des voies ferrées et des voies navigables puissent vivre côte à côte et prendre chacune, sans que les premières en souffrent, leur part d’un trafic qui aura énormément augmenté.

A côté des jonques, les chemins de fer peuvent avoir un autre rival : c’est l’infatigable porteur chinois qui trotte, par monts et