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chiffres analogues : 12 500 francs de recettes et 6 000 de frais par kilomètre. Mais les chemins de fer indiens et japonais comprennent plusieurs lignes médiocrement productives dans des régions montagneuses et peu peuplées. A l’exception des lignes construites par la Russie en Mandchourie et par la France près du Tonkin, les chemins de fer concédés jusqu’à présent en Chine sont au contraire merveilleusement situés et paraissent devoir égaler aisément les meilleures des lignes japonaises, la grande ligne du Tokaïdo, par exemple, qui unit Tokio à Kioto, Osaka et Kobé, et donne une recette brute de 26 000 francs par kilomètre, dont il ne faut déduire que 9 000 francs de frais d’exploitation. Sur le capital de construction exprimé en yen, cette ligne donne un revenu net de près de 15 pour 100 qui reste encore de 9 à 10 si l’on tient compte de la baisse de valeur du yen. Or il faut observer qu’une nouvelle et forte dépréciation du métal d’argent paraît peu probable dans un avenir prochain, et que le rendement des chemins de fer chinois, sans être garanti contre tout aléa provenant d’une telle cause, n’y semble cependant pas très exposé.

Pour que le trafic, dont les élémens ne manquent assurément pas, vienne aux chemins de fer, une condition toutefois est essentielle, c’est que les tarifs soient très bas, et ici encore l’exemple du Japon montre que le bon marché des prix de transport peut se concilier avec une exploitation rémunératrice. En ce pays, contrairement à ce qui a lieu en Europe, les deux tiers des recettes brutes de chemins de fer proviennent du service des voyageurs, et ceux-ci ne paient en troisième classe que la somme infime de 1 centime et demi par kilomètre (ce qui réduirait à 12 fr. 95 le coût du voyage de Paris à Marseille), au lieu de 4 centimes et demi pour la même distance en France. Aussi les trains sont-ils toujours bondés, et en circule-t-il plus de dix par jour en chaque sens sur la plus grande partie de la ligne du Tokaïdo. Il y a des chances pour qu’en Chine, le transport des voyageurs joue aussi un rôle très important sur les voies ferrées, comme il le fait déjà sur les lignes de bateaux à vapeur qui, partant de Shanghaï, desservent les diverses échelles de la côte et du Yang-tze. Dès qu’on leur en fournit l’occasion, les Célestes se déplacent très aisément ; mais il paraît très probable que la masse du peuple est encore plus pauvre en Chine qu’au Japon. La modicité des tarifs y est donc au moins aussi nécessaire.

Elle n’est pas moins indispensable pour les marchandises que