Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/944

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Watteau a esquissé le portrait, dans un coin de l’admirable dessin du Louvre (n° 1334) qui s’appelle, au catalogue : Trois Portraits de musiciens. Sur la monture du dessin, Mariette avait noté, en latin, que les trois grands portraits représentaient le violoniste Antoine, le chanteur Pacini, et Mlle Dargenon, la pupille de Pierre Crozat : mais le dessin nous fait voir, sous ces trois grands portraits, deux têtes plus petites, qui sont, à n’en pas douter, celles de la sœur de la Rosalba et de la Rosalba elle-même. M. Malamani suppose que, si Mariette n’a point pris soin de nous en nommer les modèles, c’est qu’il croyait leurs noms suffisamment connus, le dessin ayant été fait au cours d’une fête donnée par Crozat en l’honneur de la Rosalba. L’attribution, en tout cas, paraît incontestable : et tous les admirateurs de Watteau auront plaisir à apprendre que, dans ce dessin, qui est d’ailleurs un de ses chefs-d’œuvre, le peintre des Fêtes galantes nous a laissé une image de l’artiste italienne dont le talent lui était si cher. On sait que celle-ci, de son côté, a peint au pastel un portrait de Watteau : qu’est devenu ce précieux portrait, et pourquoi M. Malamani ne nous en dit-il rien ?

Ayant montré, de bonne heure, un goût très vif pour le dessin, Rosalba, encore enfant, reçut des leçons de Joseph Diamantini et d’Antonio Balestra. A vingt-quatre ans, son talent de miniaturiste était déjà assez reconnu pour qu’un certain Orsatti, de Lucques, lui commandât son portrait, lui offrant en payement « deux paires de gants et deux sachets parfumés. » Un mois plus tard un amateur français, le sieur Louis Vatin, qui sans doute avait eu l’occasion de la rencontrera Venise, lui écrivait pour la remercier de l’envoi d’une petite Vierge, et pour lui demander une seconde miniature, représentant « une dame occupée à cacheter une lettre. » Enfin en 1705 la renommée de la Rosalba était devenue si grande que l’Académie de Saint-Luc, à Rome, l’admettait parmi ses membres, sur la présentation d’un portrait de jeune fille tenant dans ses mains une colombe. Ce délicieux portrait, où M. Malamani croit reconnaître les traits de la Rosalba elle-même, est exposé aujourd’hui dans la galerie de l’Académie, en compagnie d’un des plus célèbres portraits de Mme Vigée-Lebrun : il suffirait à lui seul pour montrer combien l’art de la Vénitienne est tout ensemble plus féminin et plus artistique que celui de la dame française, dont la douceur un peu fade trouve à présent tant d’admirateurs. Mais ce portrait de l’Académie de Saint-Luc est une miniature, et non pas un pastel, comme le croit Reiset : ce qui nous amène à dire que, de profession, la Rosalba était et est toujours restée une miniaturiste. Ce n’est qu’en 1703, à près de trente ans, qu’elle s’est pour la première fois essayée