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savans à l’Annuaire des Collections royales prussiennes fait, en quelque sorte, partie de leurs fonctions. Tantôt c’est le directeur du Musée de Peinture, tantôt le conservateur du Cabinet des Estampes, tantôt l’inspecteur des Palais royaux ou l’architecte chargé de la surveillance des monumens publics qui étudie quelqu’un des sujets de sa compétence : reproductions photographiques, plans, fac-similé d’autographes, tous les moyens lui sont offerts qui peuvent rendre son travail plus complet ou lui donner plus d’autorité : et il n’a pas à craindre d’être long, ni même d’être ennuyeux, pourvu que son travail touche à un problème historique vraiment intéressant.

Ai-je besoin d’ajouter, après cela, que de tels recueils sont d’une portée inappréciable pour le progrès de l’histoire des arts ? Ils ont en premier lieu l’avantage d’attacher les conservateurs à leurs musées, de les mettre avec ceux-ci en relations plus intimes, de leur ôter l’idée que leur unique devoir, vis-à-vis des œuvres qui leur sont confiées, consiste aies déplacer ou à les faire nettoyer. Ils fournissent à l’histoire des arts un personnel d’historiens, et les plus aptes du monde à s’en occuper avec fruit : car qui serait mieux à même de connaître un tableau que l’homme qui passe sa vie en contact avec lui, qui le voit librement à toute heure du jour, et qui a en outre sous la main tous les documens concernant sa provenance, son état de conservation, les diverses aventures qu’il a traversées ?

Mais surtout de tels recueils ont l’avantage de maintenir vivantes, pour ainsi dire, les œuvres des musées. Chacune de ces œuvres, pour peu qu’on se donne la peine de l’interroger, renaît, sort de son silence séculaire, fournit mille renseignemens curieux sur la personnalité et les procédés de son auteur, sur le goût de l’époque où il l’a produite. C’est en interrogeant de cette façon les tableaux des musées de Belgique et de Hollande que Fromentin a pu nous laisser le meilleur ouvrage que nous ayons sur l’histoire de la peinture des Pays-Bas au XVIIe siècle. Et si le musée de Berlin est en train de devenir un des plus renommés de l’Europe, si dès maintenant un grand nombre de ses peintures et sculptures, à peine connues il y a vingt ans, sont tenues pour des œuvres typiques en leur genre, c’est en partie parce que les conservateurs du musée de Berlin, non contens d’acquérir et de classer ces ouvrages, en ont fait l’objet d’infatigables recherches historiques. Trois morceaux, d’ailleurs assez peu importans, de Donatello leur ont permis de distinguer trois périodes successives dans l’évolution du talent du fameux sculpteur ; une esquisse de Rubens leur a suggéré l’idée de l’influence exercée sur le maître flamand par son élève Antoine Van Dyck. On