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l’Université elle-même, et de la tirer d’une aventure où voudraient la lancer quelques imprudens.

L’exemple a été donné par M. le ministre de l’Instruction publique. A la distribution des prix du Concours général, le professeur chargé du discours d’usage, M. Dufayard, s’était exprimé en excellens termes sur l’utilité des enseignemens de l’histoire qui nous apprend à aimer notre tradition nationale. M. le Ministre a repris ces paroles, et il les a reprises à son compte. Mieux inspiré que beaucoup de ses prédécesseurs, il n’a pas cru qu’un représentant du gouvernement républicain fût obligé de convier la France d’aujourd’hui au mépris et à la haine de l’ancienne France ; il a su parler de cette chaîne mystérieuse qui unit le présent au passé ; il a su rendre hommage à l’œuvre bienfaisante de nos rois ; il a, comme un bon « cocardier, « invité les enfans à s’instruire en écoutant et en saluant le « tambour du régiment qui passe. » En quelques traits éloquens, il a retracé les émotions du jeune homme peu à peu initié au patriotisme par l’enseignement du collège. « Il comprendra combien il a fallu de temps et d’efforts pour rapprocher et unir nos provinces si différentes d’esprit et de climat, combien il a fallu de conquêtes, de guerres et de massacres pour mêler et fondre dans l’ardent creuset tant de races diverses par le langage et par les mœurs... Il nommera avec orgueil nos grands hommes de guerre... Il souffrira du martyre de la plus pure et de la plus grande des héroïnes... Il sentira palpiter le génie de la race qui inspira et porta si haut nos savans, nos écrivains, nos artistes, nos philosophes... Les voiles tomberont. L’idéal national lui apparaîtra soudain dans sa gloire. Il aura compris la grandeur sublime du mot Patrie. » En tenant aux jeunes gens ce langage ferme et élevé M. Leygues se montrait l’homme de sa fonction. L’aimable cadet de Gascogne associé aux destinées éphémères d’un cabinet de combat faisait place au grand maître de l’Université.

Deux discours surtout doivent être signalés pour la noblesse des sentimens, pour une sorte de gravité attristée et d’ardente générosité, ceux de M. Albert Vandal et de M. Maurice Croiset. M. Vandal avoue son « admiration pour ces Universités d’outre-Rhin qui ont su pendant la majeure partie de ce siècle, se faire des foyers de propagande patriotique, autant que de culture intellectuelle intense ; elles ont su recueillir, conserver, aviver l’étincelle sacrée et en faire un grand feu ; c’est chez elles que s’est élaboré en somme, par de patiens efforts, le relèvement de l’Allemagne. » M. Maurice Croiset, professeur au Collège de France, fait le procès à la manie du cosmopolitisme.