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Vienne et on la prévoit. Vous savez que Dumouriez a toujours été à l’idée d’attaquer ; il y est plus que jamais ; tout ce qui nous tourmente dans l’intérieur l’y porte. Il faut que nous sachions par vous ce que nous devons faire faire à M. de Grave et à M. Dumouriez. »

Biron, qui très probablement avait envisagé déjà l’éventualité de la disparition de Rochambeau, Biron, pour lequel ses amis ne travaillaient pas certainement sans avoir son consentement, parut troublé de la proposition qui lui était faite. Tout d’abord, il sembla ne point l’agréer. La vérité est qu’entre l’ambition d’être quelque chose, ce dont il avait bien envie, et le sentiment, peut-être vague en lui, mais existant cependant, qu’il était inférieur à la tâche dont on voulait charger ses épaules, il demeurait perplexe, hésitait, montrait nettement combien il était peu fait pour une situation où il fallait surtout de la décision, de l’énergie, du caractère.

Il répondit à Talleyrand qu’il n’apercevait point, parmi ses camarades de l’armée du Nord, de successeur capable de substituer Rochambeau et qu’ « il ne s’aimait pas mieux que les autres ; » que le meilleur parti serait d’appeler Luckner à Valenciennes, confiant l’armée, — celle d’Alsace, — à M. de Gelb (qui y commandait déjà une division), et, qui « avec le Rhin devant lui, y serait très suffisant » Si le Roi tenait absolument à laisser Luckner à Strasbourg, Biron désignait comme candidat pour l’armée du Nord M. de Choisy « si sa santé était rétablie, » ce qui était bien loin d’être le cas. En dehors de M. de Choisy, continuait Lauzun, « j’avoue franchement que je ne vois plus que moi,… et vous me permettrez de vous faire observer que si le décret de la Montagne s’oppose à ce que je puisse commander les lieutenans généraux, mes anciens dans notre armée, il a déjà été enfreint pour M. de Lafayette, qui a été prendre le commandement de l’armée de la Moselle, quoique M. de Belmont, qui y est resté, fût lieutenant général dix ans avant lui. Si cette exception ne peut regarder que M. de Lafayette, s’il est au-dessus des lois, cela doit donner beaucoup d’espoir à ceux qui ne veulent pas s’y soumettre. »

L’amélioration inattendue qui se produisit dans l’état de santé de Rochambeau, l’énergie que manifesta le vieux soldat en cette circonstance, vinrent rendre inutile cet accaparement prématuré de succession. Cependant, dès que le Conseil adoptait un plan différent de celui du maréchal, on en était réduit ou à le lui