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timoré ou trop constitutionnel quand l’arrivée au pouvoir de ces Jacobins modérés, qu’on a désignés depuis sous le nom de Girondins, vint lui donner une occasion nouvelle, une occasion qu’il crut décisive de se mettre en avant.


II

Au moment où Dumouriez arrivait aux affaires (15 mars 1792), la guerre avec l’Autriche, absolument décidée en principe, n’était plus qu’une question de temps. On attendait un moment favorable de prendre l’offensive ; on voulait avoir l’air d’y être contraint. Dans cet ordre d’idées, l’énergie du nouveau ministre des Affaires étrangères allait hâter singulièrement une solution dont los partis les plus opposés attendaient également le triomphe.

En réalité, la déclaration de guerre datait du 14 décembre 1791, date à laquelle Narbonne avait créé sur notre frontière de l’Est et du Nord trois armées d’opérations, dites du Nord, du Centre et du Rhin, et en avait donné le commandement à Rochambeau, à Lafayette et à Luckner. Narbonne n’avait pas seulement créé ces armées, il les avait organisées, était allé les inspecter, avait visité la frontière, enfin s’était abouché avec les trois commandans en chef « réunis à Metz par ordre du Roi, pour examiner le plan de campagne offensif ou défensif que les événemens pourraient amener un jour ou l’autre à développer. » Ces conférences de Metz n’avaient abouti à rien de précis ; cependant, comme dans la situation tendue au milieu de laquelle on se débattait, les hostilités pouvaient éclater du jour au lendemain, comme il était urgent d’arrêter à cet égard une ligne de conduite bien déterminée, Narbonne manda à Paris les trois généraux pour établir avec eux un plan d’opérations définitif.

De ces trois commandans en chef, — dont deux, Luckner et Rochambeau, venaient de recevoir comme étrennes le bâton de maréchal de France, — Rochambeau était sans doute celui qui connaissait le mieux son métier, qui possédait le plus profondément à la fois la théorie et la pratique de son art. Passionné pour toutes les questions de tactique si fort discutées de son temps, y consacrant tous ses loisirs, c’était incontestablement le meilleur soldat que comptât la France à cette époque. « M. de Rochambeau, nous dit précisément Lauzun dans la page de ses Mémoires