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Si, nous nous y arrêterons une heure. Comment résister ? Des eaux courantes, sorties de trente-huit puits, arrosent la centaine de palmiers de cette oasis. Un vieux gardien nous offre des dattes, des grenades et des melons d’eau ; nous goûtons, assis par terre, à côté du frais ruisseau, sous le murmure des arbres qui semble des chants d’oiseau.

Longtemps, une fois partis, nous la regardons cette oasis verdoyante.

Elle est là, au-dessous de nous, alors que nous gravissons les lacets du chemin pour regagner le plateau. Une halte encore, un dernier regard, et la douce apparition a disparu ; et, autour de nous, c’est de nouveau la chebka, les étendues grises, si tristes sous le gai soleil.

Arriverons-nous jamais à Ghardaïa ? La fièvre des retours nous brûle le sang. Et puis, voilà Bou-Djema malade, lui le vieux routier des déserts. Dans sa figure terreuse, encapuchonnée de laine, ses yeux brillent ; il grelotte ; il a la fièvre et un commencement d’ophtalmie, et il demande à s’arrêter. C’est impossible et je refuse ; mais je lui administre de la quinine, je lui verse dans l’œil un peu de sulfate de zinc et, solidement arrimé sur son chameau, il reprend la marche en avant.

Et la plaine continue, la plaine monotone sur laquelle descend peu à peu, avec une grandiose majesté, avec ces splendeurs d’or, de pierres précieuses et de braise ardente, que ces terres sans hommes contemplent tous les soirs.

La nuit est tombée quand mon chameau, qui marche en avant, fait un brusque écart. Une masse blanche sous la lune barre le chemin. C’est le squelette d’un chameau, dépouillé de sa chair que les fourmis ont rongée. Elle est morte, la pauvre bête, la pauvre bête si douce et si utile ; elle est morte avant d’atteindre les oasis du Mzab. Sans doute elle a senti sa fin venir et son grand cou, allongé par terre, se tend encore vers le Nord lointain, où sont les frais herbages.

À la nuit noire seulement, nous atteignons Metlili. Sous le dôme sombre des palmes, nous allons, pressés par l’idée de l’hospitalité du caïd. Des feux brillent de toutes parts ; c’est un campement de zouaves en route pour le Touât.

Hélas ! une désillusion nous attend ici. Le caïd des Chaâmbas Berazga a eu la fâcheuse idée de vouloir franciser sa cuisine ; et, pour lui, franciser la cuisine consiste à y répandre un flacon