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anxiété : lequel est l’homme et lequel est la femme ?... Les signes extérieurs manquent : les intérieurs aussi. »

On voit une fois de plus combien Mme Marholm est sévère pour les apôtres masculins du féminisme. Ils lui font l’effet de banqueroutiers au physique et au moral. Quant à celles qu’ils ont converties à leurs doctrines, toute l’œuvre sortie de sa plume est dirigée contre ces transfuges, qui ont prétendu s’échapper de leur sexe, et que la nature vengeresse y ramène tôt ou tard : pour leur bonheur quand elles savent revenir à temps de leurs illusions, pour leur éternel tourment quand elles persévèrent jusqu’à la fin dans leur vaniteuse erreur. Toutes sont malades du différend profond qui est né entre leur intelligence dévoyée et la « base obscure de leur nature féminine. » La femme qui, selon les procédés modernes, cherche son affranchissement dans l’indépendance, n’est qu’une « fuyarde, » qui déserte son poste de combat pour échapper aux épreuves de sa vraie destinée. Elle veut éviter toujours la tutelle de l’homme, souvent les charges de la maternité, d’ordinaire la dépendance, l’impersonnalité de son sexe. Mais par là elle s’égare elle-même sans le savoir hors de sa nature féminine, et, dès lors, « elle se tient devant la porte désormais close de son plus intime sanctuaire, abandonné par elle. Elle cherche à recueillir les échos du culte divin, et des mystères sacrés qui y sont célébrés, frissonnant d’un stérile effroi, avide maintenant de ces délices vivifiantes dont elle s’est volontairement exclue. Quelques-unes forcent la porte, rentrent, et se soumettent de nouveau à l’homme. D’autres restent pour toujours au dehors. »

La femme n’a pas besoin de lire, mais de vivre, et elle doit tirer cette vie non de son intelligence, mais de son admirable sensibilité féminine. Il faut revenir à l’instinct. Une période de pensée est achevée après avoir duré quatre siècles. Une période de sentiment s’annonce, et avec elle le règne de la femme est venu. Son rôle n’est « rien de plus et rien de moins que la charge de construire les générations futures. » Qu’elle se montre fière de la mission dont Mme Marholm a donné cette belle formule, et tout lui sera accordé par surcroît.

Devoirs conjugaux, devoirs maternels, telles sont donc les seules fins que Mme Marholm parait assigner à l’activité de la femme, en principe tout au moins. Nous verrons en effet, après avoir parcouru quelques pages de son œuvre, si elle s’est montrée