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de la Vierge, dans lequel elle voit surtout un hommage rendu à son sexe. Interprétation hasardée sans doute, et que l’Eglise ne saurait accepter sans réserves, mais analyse poétique et ingénieuse de sentimens éternels et sacrés. — Déjà Feuerbach avait écrit dans l’Essence du Christianisme : « Le protestantisme a mis de côté la mère de Dieu : il humiliait ainsi la femme, et la femme s’est cruellement vengée de l’outrage qu’on lui faisait. » « Le culte de Marie, dit à son tour Mme Marholm, fut l’œuvre poétique de l’âme masculine, qui, comme un jaillissement de source, éleva jusqu’au ciel ce besoin du suprasensible, dont l’homme est toujours tourmenté : ce fut le son plus doux de la musique intérieure de son âme. Il montra l’intelligence la plus haute du destin de la femme et du mystère de la vie, alors qu’il éleva sur l’autel la mère et son enfant. En transfigurant sa compagne pour en faire un être sacré, en montrant un enfant avec ses petites mains étendues vers le cœur de chaque homme, il sanctifia la femme dans sa mission de mère, il fit un sacrilège de tout mauvais traitement contre un enfant. Infinis furent l’adoucissement des mœurs et l’amollissement des cœurs qui rayonnèrent de chacune des images de la mère de Dieu dressée sur les autels. Le Christ, Dieu et nourrisson, sur les bras de la sainte Vierge, présenta son petit corps d’enfant nu à tous les hommes comme un avertissement flatteur et menaçant. « Ce que vous avez fait de bien ou de mal au plus petit d’entre vous, semblait-il dire, c’est à moi que vous l’avez fait : à moi, le divin dans l’enfant, et l’enfant dans le Dieu. » La jeune vierge-mère étendit d’autre part son manteau sur les jeunes filles et sur les mères : et toute offense à la femme devint un péché mortel aux yeux de l’homme. »

Mme Marholm tire même des conséquences plus spécieuses encore d’un culte qu’elle reproche au protestantisme d’avoir renié ; car la glorification de la mère délivra l’homme de « l’obsession de la femme. » Celle-ci, — observons que ce n’est pas un homme qui parle, — celle-ci, avec « ses humeurs, ses scènes, ses larmes, sa vanité, son étroitesse de vues, son bavardage, » pèse parfois lourdément à son compagnon. Il existe une sorte de malentendu entre l’époux qui désire le repos, et l’épouse qui ne peut pas le lui donner. S’il faut en croire l’auteur de la Psychologie de la femme, le culte de Marie eut l’heureuse conséquence de supprimer jadis ce malentendu. Il délivra l’homme du contact trop direct avec la femme. Il le rendit patient vis-à-vis d’une compagne transitoire,