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sont celles dont l’habile finesse obtenait une part dans les tâches les plus hautes, dont l’influence reconnue surpassait celles des ministres des princes ? Où sont celles dont le charme s’assurait un monument impérissable dans les créations des plus illustres poètes, celles qui, par le don de leur affection et de leur âme, réchauffaient l’homme, le soutenaient, lui prêtaient des ailes pour s’élancer dans l’inconnu, et en revenir préparé pour la vie la plus belle, la plus remplie, la plus riche ? Elles ont disparu. La femme a perdu comme individualité ce qu’elle gagnait d’importance en tant que masse et que majorité. »

S’il faut ici l’avouer, nous estimons que cette admiration passionnée pour le bon vieux temps a quelque chose d’excessif. Mme Marholm s’égare à son tour dans son mouvement de recul. Il n’est pas démontré que la femme ait tant perdu de nos jours, ni d’ailleurs qu’elle fût si généralement satisfaite et paisible dans le passé. Tout était-il donc irréprochable dans l’ancienne organisation de la famille ? Sans vouloir nier ce que nous avons perdu de ce côté sous le rapport de l’autorité, du respect et de la discipline, l’histoire ne nous permet pas de tout admirer sans réserves dans la vie privée d’autrefois. Il est loisible de penser au contraire que la plupart des faiblesses prétendues modernes s’y rencontraient déjà, sans parler des abus que l’adoucissement des mœurs a fait disparaître. L’intérieur du roi Frédéric-Guillaume, par exemple, offrait-il donc, au début du siècle dernier, l’image paisible et fortunée que nous présente l’intrépide apologiste de l’ancienne Allemagne ?

Nous ne sommes pas d’ailleurs au bout de nos surprises. Si nous interrogeons maintenant Mme Marholm sur ses opinions religieuses, nous pourrons nous croire revenus aux belles années du romantisme germanique. C’est un spectacle rare, en effet, dans l’Allemagne actuelle, et qui rappelle certaines tendances de l’Angleterre contemporaine, qu’une si sympathique intelligence du catholicisme, un dédain si entier pour les prétendues conquêtes morales de la Réforme. «Pourquoi, — dit Mme Marholm, après avoir décrit sous les couleurs les plus sombres l’existence actuelle de la femme, — pourquoi les mariages sont-ils aujourd’hui sans bonheur et l’amour sans ailes ? Pourquoi tout cela est-il tellement plus sensible dans les pays protestans que dans les catholiques ? «  C’est que le catholicisme est par excellence la religion de la femme. Mme Marholm a écrit quelques pages exquises sur le culte