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La femme d’esprit dont nous voudrions étudier ici l’œuvre et l’influence a vu de près cette levée de boucliers tumultueuse. « Les femmes écrivains, dit-elle, poussèrent alors comme des champignons sous une averse d’automne : auprès d’elles on vit végéter quelques femmes médecins, et surtout une nuée d’institutrices et de téléphonistes. Elles réclamèrent le droit d’étudier, de plaider, d’administrer la commune et l’Etat, de voter enfin. Le seul droit qu’elles passèrent sous silence, ce fut celui d’aimer. La femme devint un être neutre, capable de penser et de produire, incapable, en revanche, d’accomplir sa mission véritable. Toutes les atténuations possibles d’un sexe qui se supprime graduellement lui-même vinrent s’étaler au grand jour, offrant à l’observateur un choix d’échantillons admirables pour étudier les déformations de la nature : on vit des tempéramens victimes d’une éclosion prématurée, et d’autres qui furent étouffés dans l’œuf ; on put constater tantôt l’érotomanie, tantôt l’atrophie des sens, et l’abus de la théorie, à côté du silence de l’instinct. » Les chemins du monde moral apparurent littéralement semés des cadavres de ces champions intrépides. Trois des plus passionnées, parmi les femmes écrivains du Nord, terminèrent leurs jours par le suicide. D’autres trouvèrent sur le tard leur chemin de Damas, et rentrèrent à temps dans la voie de l’amour et de la maternité. Telle cette Mme Edgren-Leffler, qui avait été le porte-étendard de l’émancipation féministe, comme Bjoernson en fut le prophète. « Elle dédaignait les artifices du passé, dit Mme Marholm, et renonçant à gagner les cœurs en femme aimante, elle voulut les convaincre en femme pensante. Elle condamna l’antique aspiration de son sexe à s’imposer par la grâce, et lui imposa pour mission de se créer une considération fondée sur des actes. Son esprit s’était formé à l’école de Mill et de Spencer. »

Les sociologues et les socialistes contemporains, Mill et Bebel avant tous les autres, tels sont en effet, aux yeux de Mme Marholm, les auteurs responsables des excès qu’elle s’est donné pour mission de stigmatiser. Spectatrice railleuse et indignée des folies du féminisme scandinave et de leur écho dans l’Allemagne, qu’elle habite aujourd’hui, elle a publié, au cours de ces dernières années, une série d’ouvrages remarquables, qui sont à la fois un cri d’alarme jeté aux imprudences du présent, et un enseignement proposé pour la préparation de l’avenir. « On a écrit, dit-elle, deux livres également célèbres sur le droit de la femme :