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constitution, ne pouvait durer qu’à la condition de la déchirer bien vite en morceaux ; ce que sa loyauté ou sa timidité l’empêcha de faire. Il devait porter le fardeau jusqu’au bout, et y succomber.

Et en effet, vingt mois à peine s’étaient écoulés, et déjà ce régime était vermoulu ; déjà on le sentait craquer par toutes ses jointures. Dans les combinaisons diverses qui avaient toujours échoué, la dynastie de Savoie avait livré le secret de son impuissance. Elle était condamnée ; et peu à peu le vide se faisait autour d’elle. Les conservateurs, n’en espérant plus rien, s’éloignaient, et les radicaux, si royalistes naguère, en venaient à perdre le sens des situations ; ils oubliaient qu’ils étaient les ministres d’une monarchie, leur œuvre, pour faire ménage commun avec les partisans de la République. Et l’union se resserrait par le péril des circonstances, qui étaient critiques. Les carlistes, dans les provinces du nord, commençaient une guerre civile ; les démagogues se soulevaient : aux Cortès, ces brouillons joignaient leurs efforts à ceux de la droite. Dans cette situation, les radicaux ministériels et le petit groupe des républicains capables de quelque sagesse marchaient de concert ; par momens, les deux troupes paraissaient n’en faire qu’une, et l’on entrevoyait, par-delà cette royauté croulante, la république certaine et prochaine.

Alors survint entre le général Hidalgo, ou, pour parler plus exactement, entre le ministère Zorrilla et les officiers de l’artillerie, le conflit célèbre qui eut pour conséquence l’abdication du roi. Car il semble bien que l’on se servit de cette méchante affaire Hidalgo pour pousser à bout le roi Amédée ; radicaux et républicains jouèrent alors dans le Parlement des scènes de haute comédie ; et ils les jouèrent si bien que le pauvre prince, écœuré, abandonné de tous, abdiqua.

Je n’ai point à raconter ces faits ; Victor Cherbuliez les a retracés ici même dans des pages qu’il suffit de rappeler[1] ; et d’ailleurs ce n’est pas l’histoire de cette époque déjà lointaine que nous étudions, mais le rôle que Castelar y a rempli. Or, je crois bien qu’il n’a été pour rien dans cette intrigue ; elle fut ourdie par d’autres, et peut-être faut-il en attribuer le mérite à Figueras qui, dans ces conjonctures, manœuvra, dit-on, avec une extrême habileté. C’est lui qui, pour empêcher la formation d’un cabinet conservateur, fit voter une motion après laquelle le roi n’avait plus

  1. L’Espagne politique, Revue des 1er septembre, 1er octobre, 15 novembre et 15 décembre 1873.