Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/769

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’étendard de la révolution, il n’avait pas cru renverser la dynastie : il s’imaginait faire, comme O’Donnell en 1854, un pronunciamiento qui n’eût amené qu’un changement d’orientation dans la conduite des affaires. — Mais, dira-t-on, le parti républicain n’avait-il pas joué son rôle dans les événemens de septembre ? — Sans doute, mais ce rôle avait été secondaire. Et pareillement les républicains n’étaient qu’une minorité (quatre-vingts voix) dans les Cortès qui se réunirent le 12 février 1869. La majorité y était formée d’une coalition d’ailleurs assez bigarrée de monarchistes, parmi lesquels un parti tout nouveau entrait en scène, les radicaux, » habiles gens, aussi peu sectaires que possible, intrigans toujours occupés à tirer leur épingle du jeu, représentés surtout par deux hommes de talens divers, Rivero et Martos. Ce parti-là était un produit de la révolution de septembre, et c’est lui, au fait, qui a marqué de son cachet les deux années de l’interrègne. Assurément il ne voulait rien qui ressemblât, même de loin, à une restauration ; il voulait seulement un roi, qui fût son roi. Il entendait rebâtir la maison sur des plans tout neufs qu’il aurait fournis, et pour son plus commode usage.

Quant aux autres fractions de cette majorité, l’une des plus hétérogènes que l’on ait vues, c’était proprement la confusion des langues. Chaque député prônait son candidat. Mais aucun de ces prétendans n’avait la moindre chance de rallier autour de son nom la majorité. On dut, en conséquence, chercher au dehors un étranger qui se sentît quelque vocation à devenir roi d’Espagne. Un moment, on crut l’avoir découvert sans sortir de la Péninsule : c’était le prince Ferdinand de Portugal. En homme avisé, ami de son repos, il refusa. Alors on fit demi-tour, de gauche à droite, du côté de l’Italie ; il y avait là deux jeunes gens disponibles, le duc d’Aoste et le duc de Gênes. Mais Victor-Emmanuel n’accueillit pas les ouvertures. Un an et demi fut ainsi gaspillé en propositions vaines. La situation devenait critique ; il fallait aboutir. De désespoir, on se jeta sur la candidature Hohenzollern. Une de ces mouches du coche qui bourdonnent autour des ministres, M. Salazar y Mazarredo, en fut le déplorable inventeur. Il en parla à Prim ; et Prim, ne voyant là qu’une aventure de plus, s’y lança en aveugle : il ne réussit qu’à faire éclater la guerre entre la France et l’Allemagne. La fatale candidature tombait en morceaux ; tout fut à recommencer.