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gou- qui se succèdent traitent l’opinion publique avec plus de dédain qu’on ne l’a jamais fait, ne nous expliquant rien, ne nous rendant compte de rien, et ne répondant à rien quand on les interroge. Nous ne savons ni pourquoi le général de Négrier a été relevé de ses fonctions de membre du conseil supérieur de la guerre, ni pourquoi le général Zurlinden de celles de gouverneur de Paris. On n’a daigné nous dire ni pourquoi M. Bertrand avait été révoqué de ses fonctions de Procureur général, ni pourquoi M. Feuilloley de celles de Procureur de la République. A-t-on fait seulement attention que l’enquête de la Cour de cassation, après trois mois écoulés, n’avait pas encore d’existence officielle ou d’authenticité légale, et ne nous était connue que par la publication irrégulière du Figaro ? C’est le régime du mystère, en attendant celui de la petite Terreur. Pendant trois mois maintenant, et en attendant une sanction qui ne consistera pour eux que dans la perte de leur portefeuille, et leur retour à leurs dossiers ou leurs roses,

— Une rose d’automne est plus qu’une autre exquise ! —

nos ministres vont continuer de faire exactement tout ce qu’ils voudront, sans que personne s’y puisse opposer, sans nous donner aucune des raisons qu’ils ont de le faire, et sans que nous ayons aucun moyen de les leur arracher. Est-ce là ce que l’on appelle défendre la cause de la « justice et de la vérité ? » Est-ce là ce que l’on appelle le « régime parlementaire ? » Est-ce là gouverner ? Ou plutôt n’est-ce pas être au pouvoir les instrumens d’une conspiration de parti contre l’opinion, la lumière, et la liberté ?

En tout cas, et pour ce qui regarde le général de Négrier, le gouvernement n’a aucun prétexte de ne pas dire lui-même, et clairement, pour quels motifs il a « brisé la carrière » de l’un des meilleurs officiers de l’armée ; il n’en a pas le droit ; et nous, s’il ne nous dit pas ses motifs, nous aurons le droit de penser qu’en dépit de l’assurance qu’il affecte, il n’est pas fier des besognes qu’il se croit forcé d’accomplir. Pourquoi forcé ? et forcé par qui ? — F. B.

Le Directeur-Gérant,
F. Brunetiére.