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Sprigg, se présentait contre M. Salomon, candidat afrikander, et était battu par lui. Ce mouvement d’opinion montre que la colonie du Cap est un peu lasse de servir de base aux opérations de M. Cecil Rhodes, et de voir ses intérêts permanens subordonnés aux entreprises d’une poignée de spéculateurs. M. Cecil Rhodes parle sans cesse d’union entre toutes les races de l’Afrique australe, et par ce mot d’union morale il entend en réalité l’unité politique : ce qui se passe montre avec éxidence combien sa manière d’agir est loin de produire les résultats qu’il poursuit. M. Rhodes fait l’union sans doute, mais contre lui. Quelle en a été la conséquence ? Les Afrikanders du Cap, et avec eux M. Hofmeyr qui est leur chef, ont provoqué une nouvelle réunion à Bloemfontein, réunion tout officieuse cette fois, où M. Krüger ne pouvait pas se rendre, mais où se sont rendus quelques-uns de ses amis les plus fidèles, et où l’État libre d’Orange était aussi représenté par M. Fischer. Une telle réunion devait avoir une grande autorité. Elle a arrêté un nouveau projet de transaction qu’elle a fait accepter sans peine par M. Krüger et dont voici les points principaux : toute personne actuellement naturalisée au Transvaal obtiendra immédiatement la plénitude des droits électoraux, et il en sera de même des étrangers domiciliés dans le pays avant le 1er janvier 1891. Pour les autres, ils obtiendront le même traitement au bout de sept années de résidence, ou au bout de cinq ans s’ils ont été préalablement naturalisés. Lorsque cette tentative de conciliation a été connue à Londres, elle a mis le parti impérialiste dans un grand embarras. Il était impossible de ne pas reconnaître que M. Krûger faisait d’importantes concessions, et ces concessions étaient revêtues d’avance de la haute consécration que leur donnait le fait d’avoir été élaborées avec le concours et sous l’inspiration directe des Afrikanders du Cap. M. Schreiner, premier ministre de la colonie, n’hésitait pas à les déclarer équitables. Nous n’avons pas besoin de dire que cette intervention des Afrikanders, qui se substituaient à sir Alfred Milner et remplissaient son office avec plus de succès qu’il ne l’avait fait lui-même, causait aux Anglais beaucoup plus d’irritation que de satisfaction ; mais comment ne pas en tenir compte ? L’action officieuse du parti indigène avait remplacé l’action officielle du gouvernement et s’était montrée plus efficace. Cela était vexant, il faut en convenir. On avait la ressource de dire que les armemens de M. Chamberlain et les terribles menaces qu’il dardait quotidiennement sur le petit Transvaal n’avaient pas peu contribué au dénouement, ce qui est vrai. Pourtant, dans la forme, l’amour-propre britannique avait quelque peine à s’accommoder d’un résultat obtenu