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se traduisant tantôt par l’excitation, tantôt par la dépression et le collapsus. Ainsi en est-il pour les maladies aiguës, la pneumonie, la fièvre typhoïde, l’érysipèle, les grands accidens. Alcooliques, tous ceux que la congestion cérébrale emporte, au cours de ces affections. Alcooliques encore, selon M. Jacquet, tous ceux dont les faits divers racontent qu’en un accès de fièvre chaude ils ont enjambé leur fenêtre. La morbidité et la mortalité dans toutes les directions sont accrues chez les alcooliques. Et c’est pour cela que la plupart des maladies prennent une gravité spéciale chez les alcoolisés de profession, et particulièrement chez les cuisiniers, les cochers, les garçons marchands de vins.

Il y a plus ; outre cette aggravation des affections aiguës, l’alcoolisme prépare certainement le terrain pour les maladies chroniques et particulièrement pour la tuberculose. M. Barbier constate que 88 p. 100 des tuberculeux qui se présentent à la consultation de l’hôpital Bichat ont été d’abord des alcooliques. M. Rendu, à propos des phtisiques qu’envoient à Paris les .départemens des Côtes-du-Nord, du Morbihan et du Finistère, rattache la fréquence de cette affection pour une part à l’alcoolisme. M. Jacquet, d’accord avec l’Anglais Tatham, signale la prédominance considérable de la phtisie dans toutes les professions qui gravitent autour de l’alcool.

La part de l’alcoolisme dans la genèse des maladies mentales est considérable. La remarquable enquête de M. Claude (des Vosges) a établi que sur 80 593 aliénés mâles internés dans les asiles publics entre les années 1861 et 1885, 16 932, c’est-à-dire 21 p. 100, devaient leur aliénation à l’alcoolisme. D’après les relevés de M, Magnan la proportion atteindrait, à l’asile Sainte-Anne, 30 p. 100 chez les hommes et 9,05 p. 100 chez les femmes. Les statistiques anglaises donnent 15 à 20 p. 100 ; on Prusse, on a compté 11 aliénés sur 100 atteints de délire alcoolique et 23 pour 100 qui étaient redevables de leur affection mentale à l’abus de l’alcool. On peut estimer, d’après cela, qu’il y a un cas d’aliénation sur cinq qui est d’origine alcoolique.

Voilà pour l’individu.

Mais les ravages exercés par l’alcoolisme sur les buveurs ne sont rien en comparaison de son influence désastreuse sur la race. Une fatalité terrible pèse sur la progéniture des buveurs. On a suivi pendant deux et trois générations, des familles d’alcooliques