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ANNONCIATIONS



I


Je possède un tableau d’un vieux maître inconnu
Qu’eût signé Martin Schœn ou le grand Albert Dure ;
La couleur en est crue et la ligne un peu dure,
Mais c’est d’un art savant et pourtant ingénu.

Au milieu d’un jardin au feuillage ténu
On y voit, sur un fond de ciel et de verdure,
La Vierge agenouillée en une humble posture,
Pâle, et croisant les mains sous son col demi-nu.

Gabriel, nimbe au front, s’avance sur la mousse ;
Il salue, et du bout de l’index et du pouce
Lui présente un beau lys au pistil éclatant ;

Elle, les traits défaits, la prunelle hagarde,
Devant la blanche fleur que l’Archange lui tend
Frissonne d’épouvante et d’extase, et regarde...


II


Ainsi, quand l’Aube monte à l’horizon dormant,
Plus pâle que la Vierge, ô Terre, tu tressailles !
Premier baiser de l’Astre, ô claires fiançailles
De la glèbe féconde avec le firmament !

Mère auguste, déjà tu sens confusément
Sourdre le grain sacré qui germe en tes entrailles ;
Et les fouilles des bois et l’herbe et les broussailles,
Tout palpite à la fois d’un long frémissement...

Le ciel s’ouvre. On dirait qu’un chœur lointain t’acclame,
Grave comme un cantique aux sons de l’orgue uni,
Tendre et voluptueux comme un épithalame ;