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combinaison de bondes, qui laissent, dans chaque jardin, l’eau s’écouler pendant un temps déterminé ; à l’heure fixée, le surveillant bouche le canal avec un peu de boue, et c’est à d’autres d’avoir à leur tour le courant nourricier.

J’aime à parcourir à cheval les ruelles de l’oasis, qui sont innombrables, et où l’on se perd. Toutes les mêmes, ces ruelles : un chemin défoncé et boueux avec un ruisseau au milieu, entre deux petits murs de terre à demi effondrés. Une paix fraîche règne sur ces sentes, abritées par la voûte continue des palmes, et où l’on n’entend que le ruissellement de l’eau. Du haut du cheval, l’œil plonge, par-dessus les murs, à travers la colonnade des arbres et la profondeur des taillis verts. De temps à autre, on croise un Arabe, monté sur son âne, revenant du travail, l’arrosage terminé, et qui me fait en passant de solennels salamaleks.

J’ai visité un grand nombre de jardins. Ils ont, pour ainsi dire, trois étages de productions ; en haut, les dattiers ; au-dessous, les arbres fruitiers méditerranéens : orangers, citronniers, grenadiers, pistachiers, abricotiers, pruniers ; en bas, vignes magnifiques, légumes de toutes sortes, souvent de très belles fleurs. C’est un délice que d’errer à l’ombre, au milieu des eaux courantes, parmi les plus beaux fruits qui se puissent voir, dans l’air parfumé de la senteur des feuilles humides, de la terre mouillée et des fleurs, autour desquelles volètent des abeilles qui semblent des mouches d’or.


21 Septembre.

Visite, à Aïn-Mahdi, de la mosquée qui sert de tombeau au fameux marabout Tedjini, patron de la secte des Tidjanîya.

Je revois cette large vallée de l’Oued Mzi, dans laquelle nous avons voyagé toute une journée d’été, cahotés sur un sol sans chemins. C’est un immense tapis d’herbages, de hautes herbes de drinn, que le vent soulève en houles majestueuses, en lentes ondulations de lumière.

De chaque côté de cette mer d’herbages, les monts des Oulad-Nayl s’allongent en croies régulières, déchiquetées, noyées de lumière pâle.

Comme la mer, ces vallées sahariennes, qui dorment, immobiles et désertes, sous la torpeur des étés torrides, ont une monotonie changeante. Dans l’uniformité des horizons semblables, l’œil s’attache à de minimes détails, à quelques coins gracieux