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deux partis mirent aussitôt l’épée à la main et l’affaire prenait mauvaise tournure, lorsque Monsieur le Dauphin, qui était proche, envoya mettre le holà.

Ces rares essais n’eurent aucune suite, pas plus que l’engouement dont la haute société se prit, cent ans après, pour les courses, de 1776 à 1783, lorsque les casaques vert-pomme du comte d’Artois rivalisaient avec les casaques noires du duc d’Orléans, sous les yeux de Marie-Antoinette. Les pamphlets contemporains reprochaient acerbement à la Reine son goût pour cette récréation nouvelle et dangereuse, « qui occasionne l’altération des fortunes et fait déserter les ouvriers de leurs ateliers. » Le succès fut vif, mais passager, et le rédacteur de l’Encyclopédie méthodique pouvait, dès 1786, à la suite d’une définition, ainsi conçue, du mot Courses : « Défi de plusieurs hommes à cheval à qui arrivera le premier, » ajouter non sans dédain : « Il y a quelques années qu’on en faisait à Paris, mais cette mode est déjà passée. » Elle ne devait revenir, durable désormais et fondée sur des bases utiles, que vers la fin de la Restauration ; puisqu’on ne saurait donner le nom de courses à ces représentations des beaux jours de Thermidor, au Champ-de-Mars, sous le Directoire, où « le citoyen Franconi, montant le cheval limousin Azor, » était battu par « le citoyen Villate-Carbonnel, montant le cheval normand Le Veneur. »

Un Anglais nommé Thomas Bryon tenait, au début de la monarchie de Juillet, sur un vaste terrain allant de la rue de Clichy à la rue Blanche, un établissement de plaisir, doublé d’un tir « aux pigeons, aux cailles, aux lapins de garenne et aux pierrots, » nommé le jardin de Tivoli. Là se rencontraient, deux fois par semaine, des jeunes hommes qui ne demandaient à la vie, pour être heureux, qu’une bonne stalle aux Italiens, des cravates harmonieuses, des amies favorables et la chère délicate du café de Paris, au boulevard de Gand.

Tout souci de distinction et de mode inédite, n’ayant d’autre source que l’envie de se tirer du commun, est accompagné d’un effort naturel de réaction contre les mœurs générales et les allures dominantes. C’est ainsi que les « dix-sept seigneurs » ou les « Messieurs du Marais, » galans commensaux des Précieuses, voulurent exceller dans les ballets, parce que l’application à la danse contrastait avec la grossièreté des soudards brutaux de la guerre de Trente ans ; c’est ainsi que les Roués de la Régence bâfraient