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de Nemours, homme très magnifique, coûtaient 1 600 et 1 800 fr. Turenne payait 1 500 francs un « cheval de bague, fort beau, dit-il, et fort glorieux. » Les animaux, de catégorie identique, attelés aux tapissières qui constituaient les équipages d’une princesse ou d’un prélat du XIVe siècle, valaient davantage. Un « puissant cheval boiart » — porteur — pour la litière de la reine d’Espagne s’achetait, au XVIe siècle, 2 500 francs à Bruxelles ; et si, pour la haquenée montée cent ans avant par Jeanne d’Arc, la ville de Vaucouleurs, qui lui en faisait cadeau, n’avait déboursé que 460 francs, celles qui traînaient Isabeau de Bavière s’étaient vendues 2 000 francs.

Le luxe du moyen âge se déployait surtout dans les chevaux de selle ; non qu’il ne se rencontre, aux temps modernes, des chiffres aussi élevés : tel genêt d’Espagne de 9 000 francs, offert par le connétable de Montmorency à l’ambassadeur d’Angleterre, sous Henri IV ; telle monture de cérémonie — di rispetto — payée 25 000 francs par Concini, lorsqu’il était au faîte des honneurs. Mais ce sont là, dans les deux cents dernières années, des exceptions inouïes ; au lieu que, sous les premiers Valois, quantité de « grands coursiers maures, » « chevaux fins » ou « palefrois arabes, » arrivent à 4 et 5 000 francs. Ceux de la comtesse Mahaut d’Artois, en 1302, du duc de Bretagne ou du connétable de Saint-Pol atteignent 20 000 francs ; celui de Charles le Bel monte à 30 000 francs.


Il

Les possesseurs de fiefs souverains ne se bornaient pas à acquérir au loin des produits remarquables ; beaucoup avaient installé dans leur domaine des haras soigneusement entretenus. Plus tard, cette organisation périclita ; la race des « grands chevaux » de joute disparut pendant la guerre de Cent ans, et personne ne s’occupa plus de l’élevage. Nombre de « bêtes folles » naissaient et vivaient dans les forêts, au milieu du XVIe siècle, presque à l’état sauvage. Pour les prendre, on s’efforçait de les rabattre dans des enclos, des » parcs, » formés par des palissades ou par des accidens de terrain. Voulait-il « courir du haras, » le gentilhomme à qui appartenaient les bois s’y rendait, accompagné d’une trentaine d’hommes ; heureux s’il ramenait le soir, après des poursuites acharnées, quelques exemplaires de ce gibier