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du Mont-Cenis, de gigantesques tuyaux descendre le long des montagnes : ils apportent la force hydraulique aux usines qui s’édifient dans les vallées, pour la fabrication du carbure de calcium, de l’aluminium, du papier. La pittoresque Maurienne est envahie par des industriels, qui paient au poids de l’or l’usage du moindre torrent capable d’actionner un dynamo.

Parmi les apparitions de substances nouvelles qui jouent un rôle hors de pair dans les industries modernes, il est difficile de passer sous silence celle du pétrole, cette houille liquide, qui n’a d’abord été employée qu’à l’éclairage, et qui fournit maintenant aussi un combustible précieux, dont la Russie seule consomme déjà 5 millions de tonnes par an. Les premiers gisemens ont été découverts et exploités en Amérique ; ceux de la Caspienne forment le centre le plus important après celui des Etats-Unis ; ceux des îles de la Sonde, exploités par les Hollandais, depuis un petit nombre d’années, paraissent appelés à un grand avenir : ils expédient en Chine, un de leurs principaux débouchés, des quantités croissantes. Il existe des terrains pétrolifères dans une foule de contrées : en Roumanie, en Galicie, en Alsace, en Italie. La hausse de prix qui s’est produite depuis deux ans a stimulé l’activité des prospecteurs ; en Amérique, des sondages poursuivis avec énergie ont permis d’exploiter des couches nouvelles dans l’Ohio, l’Indiana, la Virginie occidentale. La célèbre Standard Oil C°, qui voudrait dominer le marché du monde, s’efforce de maintenir à un niveau suffisant la production américaine et d’encourager les travaux qui doivent lui permettre de continuer à dicter ses lois sur un marché que la Russie est encore seule à lui disputer sérieusement.

Ainsi, partout le même spectacle, partout un essor extraordinaire ; partout on fouille le sol pour y découvrir de nouveaux gisemens ; les mines déjà connues sont exploitées avec un redoublement d’énergie ; les usines, les hauts fourneaux réclament plus de houille, plus de minerai ; les wagons s’alignent devant les fonderies, les forges, les aciéries, emportent avec une rapidité vertigineuse les centaines, les milliers, les millions de tonnes extraites et produites ; produits bruts, demi-fabriqués, produits finis sont demandés par une consommation active, que cette prospérité générale rend chaque jour plus dévorante encore. Les voies ferrées sillonnent les grandes et les petites villes pour recevoir les voitures mues par l’électricité : celles-ci se succèdent à des intervalles de plus en plus rapprochés et finissent par ressembler