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disponibles en quête d’emploi se portent de préférence sur ces rentes, sur ces obligations, dont les cours s’élèvent sous l’influence de ces demandes continues, atteignent, dépassent souvent le pair, et permettent alors les opérations de conversion, qui diminuent le revenu des rentes en allégeant le budget des Etats, des villes, des chemins de fer, et d’une façon générale, de toutes les compagnies qui empruntent par voie d’obligations. C’est par une de ces étapes, fréquentes dans l’histoire économique, que nous avons passé, lorsque le rendement de nos fonds d’Etat et de nos obligations de chemins de fer est tombé à moins de 3 pour 100. Mais le mouvement de hausse de ces titres, c’est-à-dire la diminution de l’intérêt qu’ils rapportent, est arrêté, et il s’en dessine un en sens inverse, peu accentué encore sur nos fonds publics, plus marqué sur les titres de chemins de fer, qui avaient fini d’ailleurs par être capitalisés à un taux plus bas que la rente sur l’Etat. La baisse est encore plus prononcée en Allemagne, où le 3 pour 100 allemand est descendu à plus de dix unités au-dessous du pair, où le 3 pour 100 saxon se cote à 87, et où les lettres de gage des crédits fonciers ne se placent plus guère qu’à 4 pour 400. Nous ne pouvons entrer ici dans l’analyse de tous les phénomènes indicateurs de cette évolution : taux de l’escompte, taux des avances sur titres, qu’il s’agisse de prêts ordinaires ou de ces avances temporaires qui sont connues sous le nom de reports et jouent un grand rôle sur les marchés financiers : il nous suffira de montrer par un exemple quel déplacement de capital entraînent les modifications de cours des fonds publics. La dette française (3 pour 100 perpétuel, 3 pour 100 amortissable, 3 et demi pour 100) représente environ 25 milliards ; chaque unité de baisse dans le cours correspond donc à 250 millions de francs.

C’est dans le recul de la cote des rentes, des obligations, qu’il faut chercher la contre-partie de la hausse des matières premières et de l’absorption incessante des capitaux par l’industrie. Certains rentiers se défont de leurs titres et en emploient le produit à des placemens à revenu variable, mais qui, grâce à l’expansion actuelle, leur paraissent promettre des résultats avantageux. L’épargne, restée fidèle aux titres à revenu fixe, trouve occasion de les acquérir à des conditions plus favorables ; et, comme elle a besoin de sommes moindres pour s’assurer le même revenu qu’à des époques antérieures, elle a un surplus disponible pour d’autres placemens, et peut, à son tour, risquer quelques