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s’abstenait de répondre à l’invitation de la reine Wilhelmine, lui-même s’effacerait à son tour ; mais la démarche était assez voilée pour qu’il pût, d’autre part, faire affirmer officieusement, par un journal libéral de Munich, que l’empire d’Allemagne n’avait nullement travaillé à faire exclure le Pape de la conférence.

L’Italie seule était responsable, et c’est une responsabilité qu’elle acceptait avec allégresse. On ne se faisait point faute, dans les sphères où l’on s’occupe de droit international, de la juger avec défaveur. M. Stead, l’un des plus zélés artisans de l’œuvre de pacification qui honorera les dernières années de ce siècle, se plaisait à rendre publics ses rapports épistolaires avec le cardinal Rampolla, et demandait même, dans une de ses lettres, si l’on n’était point amené à conclure qu’une certaine forme de souveraineté temporelle est indispensable à la Papauté pour l’exercice de son autorité spirituelle[1]. M. Pillet, directeur de la Revue internationale de droit public, consulté par M. Stead, écrivait : « L’exclusion du Saint-Siège de toute réunion instituée dans un but pacifique, nous paraît renfermer un oubli singulier du passé et une méconnaissance singulière aussi du rôle bienfaisant et pacifique que remplit aujourd’hui encore la Papauté. » Et ni M. le sénateur Keesen, au Parlement belge, ni M. le député Schaepman, au Parlement hollandais, exprimant l’un et l’autre les doléances de leurs coreligionnaires catholiques, ne dépassaient en sévérité le calviniste Journal de Genève, qui traitait de maladroite et d’odieuse l’exigence de la Consulta.

Mais la Tribuna ripostait qu’un organe protestant n’insérerait pas de pareils articles, « si le gouvernement italien s’était toujours comporté de façon à faire entendre bien clairement qu’il ne pouvait tolérer que le Pontife continuât à être un prétendant. » Une partie de la presse italienne poussait à de nouvelles mesures de rigueur le gouvernement du Roi ; et le mécontentement même que témoignait l’opinion publique internationale semblait être une raison nouvelle d’affirmer, une fois pour toutes, les droits de

  1. « L’absence d’une représentation du Saint-Siège à la conférence, écrivait M. Stead au cardinal Rampolla le 8 mai 1899, est un grand désappointement. Vous avez pourtant cette consolation, que le refus d’admettre le délégué papal a fait naître, dans l’opinion d’un protestant au moins, un argument solide en faveur de l’idée de conférer au Pape quelque souveraineté territoriale qui lui donnerait un titre à être représenté, de droit, dans une conférence internationale ; mais je pense que la souveraineté territoriale, dans l’intérêt même de la Papauté, devrait être réduite à un irréductible minimum suffisant pour assurer au Pape le rang de souverain territorial. »