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il devait préalablement mériter cette générosité. Mais la diplomatie du Vatican, tout au contraire, avait manqué d’empressement à l’égard du nouveau royaume : le grief était suffisant... « On a l’air de s’étonner, disait textuellement le journal l’Italia, si on n’aime pas de se trouver en compagnie de pareil monde. » Et parce que ce contact était désagréable, on insistait pour qu’un « pareil monde » fût consigné à la porte de la conférence de La Haye.


V

Le cabinet de Saint-Pétersbourg, en recourant aux bons offices du gouvernement de La Haye, n’ignorait point, à coup sûr, que, dans la capitale du royaume des Pays-Bas, un internonce représentait Sa Sainteté ; ne pourrait-on pas affirmer, même, que le choix du tsar Nicolas fut dicté par cette considération ? La diplomatie du Quirinal, en Hollande, était donc habituée à coudoyer la diplomatie du Vatican ; qu’à l’occasion de la conférence un tel contact se continuât, ce ne serait point un fait nouveau ; l’imprévu serait, tout au contraire, que, parmi les gouvernemens représentés auprès de la reine Wilhelmine, le Saint-Siège, seul, ne fût point admis dans l’auguste assemblée. M. de Beaufort, ministre des Affaires étrangères du royaume des Pays-Bas, crut devoir accorder au Quirinal cette satisfaction inattendue ; la circulaire d’invitation à la conférence, datée du 6 avril, ne fut point expédiée à la Curie. Il ne dissimula point qu’en agissant ainsi il tenait compte des intraitables volontés du Quirinal.

La Russie avait multiplié les efforts pour convaincre le cabinet de Home que l’exclusion du Pape serait vue d’un mauvais œil par la chrétienté. La République française avait été, sans équivoque, avertie par un grand journal de Rome qu’on la soupçonnait de souhaiter la présence d’un représentant pontifical à la conférence de La Haye et que c’était l’heure, ou jamais, pour les amis de l’Italie, de montrer l’aloi de leur amitié. Le gouvernement de la reine Victoria avait laissé entendre, en termes assez clairs, que, si l’on saisissait l’occasion de la conférence de Ia Paix pour pousser sur les bords du Tibre le cri de No popery, les rives de la Tamise dédaigneraient d’y faire écho. Seul le cabinet de Berlin avait prêté un concours indirect aux soucis de l’Italie royale : il avait fait savoir que, si l’une des grandes puissances