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et les choses familières. Son chant de l’Ouvrier est un chef-d’œuvre, parce qu’il résume un sentiment puissant, épars sur tous. Sa République des Paysans émut l’âme de la France agreste avec une adorable bonhomie :


Mais les quarante-cinq centimes
Et Juin, plus tard, a tout gâté !


Juin a été terrible, mais il n’a pas empêché l’avènement de la Démocratie au pouvoir et aussi à la dignité de l’art. Oh ! qu’elle reste dans la vérité, dans la justice et le sens commun ! Son existence en dépend, celle de son art aussi ; et il faut avouer que, depuis son avènement, cette démocratie ne s’élève guère vers les grands principes ; je tremble lorsque je considère combien elle est, avant tout, préoccupée de satisfaire de grossiers besoins matériels.

Retournons au moment où commence le mouvement populaire en peinture. Il est la continuation des paysagistes que nous venons d’étudier. Il consiste à faire entrer les êtres dans le milieu naturel qu’ils ont préparé.

Nous allons donc voir l’art prendre une part plus directe aux joies et aux douleurs humaines, sans distinction de castes. Il va même de préférence s’occuper des pauvres, que les anciens n’avaient regardés que par leurs côtés pittoresques ou comiques, et qui vont intéresser autant que les princes de P. Delaroche et plus que les héros de David. Ils auront même cet avantage, qu’étant plus près des sources de la vie, ils revêtiront les beautés primitives. Nul besoin de velours et de brocart : ils s’envelopperont dans la pourpre et l’or de la lumière éternelle. De plus, leurs passions et leurs gestes seront davantage exempts des conventions factices du monde. S’il y a eu un mouvement nouveau dans l’art, c’est là qu’il faut le chercher.

Mais, comme toujours, les vrais initiateurs ne seront pas ceux qui en afficheront la prétention et qui, je ne sais pourquoi, pour désigner la recherche de sensations nouvelles, de charmes inconnus dans des mystères plutôt fluides, vont s’affubler du mot brutal réalisme. Ils ont la prétention de révolutionner, ayant sur leur bannière ce mot qui évoque des talens comme ceux de Valentin et du Guerchin, sans intérêt de nos jours.

En quoi, je le demande, le réalisme, vieux comme la platitude, pouvait-il être une nouveauté ?

Le premier cri de ces révolutionnaires qui semblaient n’avoir