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dans d’autres circonstances, aurait pu causer une très vive émotion, ne paraît pas en avoir produit beaucoup. Non pas que le procédé du gouvernement italien soit recommandable ; s’il est légal, c’est bien tout juste, et, à parler franchement, il ressemble à un tour de passe-passe ; mais il faut avouer que l’attitude de l’opposition était devenue intolérable, et qu’elle avait mis le gouvernement et la majorité dans le cas de légitime défense. Car enfin la question est celle-ci : — Dans un gouvernement parlementaire, c’est-à-dire dans un gouvernement où la majorité fait la loi, la minorité a-t-elle le droit de se substituer à la majorité par l’obstruction, c’est-à-dire, par la violence, et de faire la loi à sa place, ou de l’empêcher de la faire ? — L’obstruction systématique, surtout lorsqu’elle emploie certains procédés brutaux et dépasse certaines limites, est la négation même du gouvernement parlementaire. Elle le rend impraticable. En Angleterre, on a résolu la difficulté par une réforme du règlement ; mais encore faut-il que le nouveau règlement soit respecté. Le jour où il ne l’est pas, et où l’obstruction ne s’arrête plus devant rien, que faire ? Nous sommes partisans du régime parlementaire, à la condition pourtant qu’on lui permette de fonctionner ; sinon, il aboutit à l’absence même de gouvernement, c’est-à-dire à l’anarchie. Il a été inventé autrefois dans une société aristocratique, où des hommes qui aimaient assez la discussion pour se soumettre à ses lois, et d’ailleurs bien élevés, pouvaient discuter entre eux les intérêts de l’État sans se prendre de querelle, s’interdire mutuellement la parole et en venir aux voies de fait. Mais, si, dans une Chambre, on ne peut plus parler, soit parce qu’on vous y coupe systématiquement la parole, soit parce qu’il y a quelqu’un qui veut la garder toujours ; si, à la moindre contradiction, on se livre à des grossièretés ; si, après les grossièretés de langage, on passe aux coups ; si plusieurs malheureux se retirent de la bagarre pantelans et sanglans ; enfin, si l’on rend les votes, c’est-à-dire les résolutions finales, impossibles ; c’en est fait du régime parlementaire. Il faut chercher autre chose. Tout pays, en effet, a le droit de vivre, et si, tel qu’on le pratique, le gouvernement parlementaire menace de devenir pour lui une cause de mort, on comprend qu’il aime mieux supprimer le gouvernement parlementaire. Le général Pelloux s’est borné à tricher avec lui un peu. Au point de vue moral, cela ne vaut pas mieux : mais il y a eu des circonstances atténuantes.

Nous n’avons pas à discuter la politique du général Pelloux ; autrement, nous aurions le regret de ne pas la trouver très habile. Les projets de loi qu’il a présentés, et qui ont pour but de garantir la sûreté