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longtemps déjà ont pu croire à une explosion spontanée. En réalité, rien n’a été moins spontané que le tumulte belge, et nous n’en voulons d’autre preuve que la rapidité et la facilité avec lesquelles il a pris fin, ou du moins a été suspendu, aussitôt que le mot d’ordre en a été donné. En France, une tempête aussi violente, si on avait l’imprudence de la soulever, ne se calmerait certainement pas aussi vite. L’émeute a sillonné les rues de Bruxelles, le sang a même coulé assez abondamment, et le lendemain il n’y paraissait plus, sauf à la devanture de quelques magasins qui était brisée. Il n’a fallu, pour déchaîner tant de colères, qu’un projet de loi électorale malvenu ; mais il a suffi de retirer ou de laisser tomber le projet pour apaiser les colères, raviver l’espérance, et rétablir un calme auquel il ne faudrait pourtant pas trop se fier.

La dernière réforme électorale en Belgique date de 1893 : on est passé alors d’un régime censitaire fort restreint à un autre où l’on a essayé de tempérer le suffrage universel au moyen du vote plural accordé à certains électeurs. Dès cette époque, et même avant, le système de la représentation proportionnelle avait des partisans convaincus, quelques-uns très distingués, à la tête desquels il faut mettre M. Beernaert, ancien président du Conseil, aujourd’hui président de la Chambre, homme de grand bon sens et de haute expérience, qui malheureusement se montre fatigué de la lutte, ne l’ayant d’ailleurs jamais aimée, et tourne de plus en plus au philosophe politique. Non pas qu’il s’abstienne de tout effort pour faire prévaloir ses idées : l’année dernière, il a fondé avec des hommes venus de tous les points de l’horizon, catholiques, libéraux et même socialistes, une Ligue de propagande en faveur de la représentation proportionnelle, ou, comme on dit par abréviation en Belgique, de la R. P. D’autres, comme M. Wœste, sont partisans du vote uninominal, c’est-à-dire de ce que nous appelons le scrutin d’arrondissement. La Belgique pratique le scrutin de liste. M. Wœste, on le sait, est un des hommes les plus écoutés, mais aussi les plus ardens et les plus passionnés du parti catholique, et, bien qu’elle soit très combattue, son autorité reste grande parmi ses amis. Il n’est pourtant parvenu à faire accepter le scrutin uninominal qu’à un assez petit nombre d’entre eux. Quant aux libéraux et aux socialistes, ils ont été jusqu’à ces derniers temps partagés : toutefois, la plupart inclinent vers la représentation proportionnelle ; mais ils voudraient l’appliquer au suffrage universel pur et simple. La vie politique est très intense chez nos voisins. Il s’y est formé une grande quantité d’Associations et de Ligues combattant