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des lèvres de femme, d’« humanité » et de « civilisation ; » importations allemandes en Prusse, et même importations anglaises en Allemagne, où se marque le cant britannique, et que l’Angleterre, au surplus, sait bien se dispenser d’appliquer à ses propres adversaires[1]. A la « seule flamme de l’enthousiasme » fugitif d’une guerre nécessaire et politiquement juste jusque dans ses excès, « à cette flamme seule, une unité nationale durable peut se forger[2]. »

Et l’infatigable forgeron tire le soufflet pour forger, tandis qu’il est à sa tâche, la couronne, le globe, le sceptre et l’épée. Il forge l’Allemagne, il forge l’Empire. Les lames, les plaques et les tiges, qui ne devaient jamais s’assembler, s’assemblent. Cependant les curieux, voyant l’ouvrage achevé, dissertent en cercle, autour de l’enclume. Dira-t-on : Empire allemand ou Empire d’Allemagne ? Guillaume Ier voudrait « d’Allemagne. » Lui, il ne tient pas au mot, tenant la chose. Quand il s’arrête, l’Empire est fait, l’Allemagne est faite, et la royauté prussienne dans l’un, la Prusse dans l’autre, ont le rang, la part, le volume et la densité que Bismarck, depuis 1862, a décidé qu’elles y auraient,


II

Mais, la forme extérieure de l’Empire trouvée et réalisée, il reste à en reprendre et à en resserrer la structure intérieure, à en joindre et en boulonner la charpente, de telle façon qu’il offre aux coups du sort et de la politique le maximum de résistance. Ce n’est pas assez d’en avoir fait géographiquement une seule et grande patrie allemande : il faut en faire, dans tous les ordres de l’activité, une seule et grande nation allemande. L’œuvre de la guerre à peine finie, se posent donc les problèmes de la paix.

Le premier est de savoir quelles institutions conviennent au nouvel Empire : comment lui donner à la fois une solidité et une élasticité suffisantes ; comment y introduire l’unité nécessaire, sans prétendre à l’uniformité impossible ; comment lui assurer la prééminence de vie, tout en ne lui en réservant point le monopole. On adapte d’abord à l’Empire de 1871 la constitution de 1867 ; la confédération d’États se ramasse, se concentre en un État fédératif. Le pouvoir exécutif s’affirme en se personnifiant.

  1. Pensées et Souvenirs, t. II, p. 131.
  2. Ibid., p. 135.