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colossales des Romains, ni de nos cathédrales, ni de la Renaissance italienne et française.

Si les rédacteurs des programmes officiels ont daigné reconnaître ainsi que la France des trois derniers siècles a eu des architectes, des peintres et des sculpteurs qui ne l’ont pas moins illustrée que ses hommes d’Etat et ses capitaines, quel avantage en retirent nos écoliers ? Leurs maîtres ne touchent pour ainsi dire pas à ces questions ; alors même qu’ils seraient préparés à les traiter, ils ne sont pas outillés pour faire connaître à leurs auditeurs les œuvres dont ils auraient à leur parler. Je demandais récemment à un professeur d’histoire d’un lycée de Paris quelle était sa pratique, pour cette partie du programme. « J’indique aux élèves, me répondit-il, les noms des principaux artistes avec les dates de leur naissance et de leur mort ; quant aux tableaux et aux statues, je leur conseille d’aller les voir au Louvre. » C’est fort bien ; mais si, à Paris ou à Bordeaux, à Lyon et à Lille, le maître peut ainsi montrer du doigt à l’écolier le chemin du musée, il n’a point cette ressource à Gap ou à Pontivy. D’ailleurs, là même où de riches galeries s’ouvrent tout près du lycée, y aura-t-il beaucoup de jeunes gens qui, les jours de sortie, aillent y passer une heure ou deux ? Entre élèves, on se dit que les professeurs de la Faculté n’interrogent pas souvent sur ces matières. Que si pourtant la fantaisie leur en prend quelquefois, on espère s’en tirer en citant quelques noms d’artistes ; mais aucun de ces noms ne rappelle à l’esprit une toile ou une figure dont la couleur ou le mouvement seraient présens à la mémoire. Aussi, quand sonne l’heure de l’examen, tous ces noms se brouillent-ils dans la tête du candidat. J’en vois encore un auquel j’avais demandé quels étaient les peintres les plus célèbres du XVIIe siècle. Le malheureux avait, je ne pus savoir ni où ni comment, entendu prononcer le nom de Goya et ce nom s’était incrusté dans sa cervelle : il commença donc par l’accoler à celui du Poussin. Comme je laissais paraître quelque surprise : « Je me trompe, s’écria-t-il, Goya, c’est un élève de David ; c’est lui qui a peint les Pestiférés de Jaffa. »

Des réponses de ce genre, il serait facile d’en composer un recueil qui serait des plus divertissans ; aussi les examinateurs renoncent-ils, d’ordinaire, quoique les énoncés des programmes les y invitent, à conduire les candidats sur ce terrain. Ces juges si redoutés sont trop justes pour s’exposer à punir un élève de ne