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Plus sage, et un peu moins ignorante, mais pas beaucoup. Le billet suivant, qui date de sa maturité, montrera mieux que tous les discours du monde de quoi se contentait le XVIIe siècle en fait d’instruction et pour une princesse. Mademoiselle écrivait à Colbert : « A Choisy, ce 5 août 1665. — Monsieur, le sieur Segrais qui est de la cademie et qui a bocoup travalie pour la gloire du Roy et pour le public aiant este oublie lannee pasée dans les gratifications que le Roy a faicts aux baus essprit ma prie de vous faire souvenir de luy set un aussi homme de mérite et qui est à moy il y a long tams jespere que sela ne nuira pas a vous obliger a avoir de la considération pour luy set se que je vous demande et de me croire monsieur Colbert, etc. » Cette orthographe n’empêcha point Mademoiselle de figurer, sous le nom de princesse Cassandane, dans le Grand Dictionnaire des Précieuses. Elle y avait tous les droits, d’après la distinction établie par Scudéry entre la « vraie précieuse » et la « savante, » et comme mainte de ses contemporaines qui serait aussi la honte de la plus humble de nos écoles primaires. La « vraie précieuse, » celle qui laissait aux « savantes » le grec et les comètes, s’appliquait à percer les mystères du cœur. C’était sa science, qui en valait bien une autre. La Grande Mademoiselle s’y était adonnée dans des limites qu’elle-même s’était tracées ; elle s’était fait une spécialité du cœur des princesses et des sentimens qui leur conviennent. Elle prétendait avoir établi de façon définitive comment les « personnes de sa qualité » se doivent à elles-mêmes de comprendre l’amour et la gloire. Les sources où elle avait puisé ses idées ne lui étaient point particulières ; c’étaient celles où tous les « honnêtes gens » des deux sexes venaient compléter l’éducation sentimentale commencée par la vie.


ARVEDE BARINE.