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Combalet, nièce du cardinal, qui est aujourd’hui Mme d’Aiguillon. Je ne pouvais m’empêcher de pleurer dès qu’on m’en parlait et, dans ma colère, je chantais, pour me venger, toutes les chansons que je savais contre le cardinal et sa nièce… Monsieur ne laissa pas de s’accommoder et de revenir en France sans cette ridicule condition. Je ne dirai rien de la manière dont cela se fit, pour n’en avoir eu aucune connaissance. »

Mademoiselle n’était vraiment pas curieuse, s’il est vrai qu’elle n’ait jamais su le détail des querelles de la maison de France pendant sa première jeunesse. Il n’aurait tenu qu’à elle de s’en instruire. Les correspondances et les papiers d’affaires où s’étalaient ces misères étaient dans toutes les mains, par les soins, par les ordres du cardinal de Richelieu, qui avait deviné la puissance de la presse sur l’opinion publique bien avant qu’il existât une presse en France. Il n’y avait pas alors de journaux pour défendre le gouvernement. Le Mercure français[1]n’était pas un journal ; il paraissait une fois l’an et ne contenait qu’une narration succincte des « choses les plus remarquables advenues » dans les « quatre parties du monde. » La Gazette[2]de Renaudot était à peine un journal, quoiqu’elle parût tous les huit jours et qu’elle comptât parmi ses collaborateurs Louis XIII pour les nouvelles militaires, Richelieu et le Père Joseph pour la partie politique. Ni Renaudot ni ses protecteurs n’avaient aucune idée de ce que nous appelons un premier Paris ou un article de fond ; ils n’en avaient jamais vu et ils ne surent pas les inventer. La Gazette ne fut qu’une feuille d’informations officielles, ne contenant pas la matière d’une page des Débats. Il fallait pourtant parler à la France. Il fallait mettre la royauté moderne en communication avec le pays, expliquer aux foules la politique du premier ministre, le pourquoi des guerres, ou des alliances, ou des échafauds. Il fallait se défendre contre les reproches de Marie de Médicis et les attaques de ce lâche Gaston. Des placards et des brochures rendirent les services qu’on demande maintenant aux journaux. Le roi s’adressa directement à son peuple et le prit à témoin de ses difficultés et de ses bonnes intentions. Il lui confia par des lettres publiques ses chagrins de famille et les motifs de sa conduite envers les puissances étrangères. Sa correspondance avec sa mère et son frère s’imprimait à mesure ; ses apologies étaient appuyées d’un

  1. Le premier fascicule est de 1605.
  2. Le premier numéro parut le 30 mai 1631.