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houbly. Une autre précieuse, Mme de Bregy, qui a été imprimée en prose et en vers, écrivait à Mme de Sablé, dans leur vieillesse à toutes deux : « … Je vous dire que je viens d’aprendre que samedi. Monsieur, Madame et les poupons reviene à Paris, et que pour aujourd’huy la Rayne et Mme de Toscane vont à Saint-Clou don la naturelle bauté sera reausé de toute les musique possible et d’un repas manifique don je quiterois tous les gous pour une écuelle non pas de nantille, mes pour une de vostre potage ; rien n’étan si délisieus que d’an manger an vous écoutan parler (19 septembre 1672). » Il est juste d’ajouter que beaucoup d’hommes étaient femmes sur ce point. La lettre que voici, du duc de Gesvres, « premier gentilhomme » de Louis XIV, n’a rien à envier à la précédente : « (Paris, ce 20 septembre 1677.) Monsieur me trouvant oblige de randre unne bonne party de l’argan que mais enfant ont pris de peuis quil sont en campane monsieur cela m’oblije a vous suplier très humblemant monsieur de me faire la grasse de commander monsieur quant il vous plera que l’on me pay la capitenery de Mousaux monsieur vous asseurant que vous moblijeres fort sansiblement monsieur comme ausy de me croire avec toute sorte de respec monsieur vostre très humble et très obéissant serviteur. »

Trop est trop ! sans avoir la superstition de l’orthographe, on ne peut que louer Mlle de Scudéry d’avoir rompu des lances en sa faveur. Elle aurait voulu aussi qu’à ces premiers élémens vînt s’ajouter un certain fonds de connaissances solides, qu’on mît aux jeunes filles autre chose en tête que les chiffons et la « galanterie[1]. » — « Sérieusement, disait-elle, y a-t-il rien de plus bizarre que de voir comment on agit pour l’ordinaire en l’éducation des femmes ? On ne veut pas qu’elles soient coquettes ni galantes, et on leur permet pourtant d’apprendre soigneusement tout ce qui est propre à la galanterie, sans leur permettre de savoir rien qui puisse fortifier leur vertu ni occuper leur esprit. En effet, toutes ces grandes réprimandes qu’on leur fait dans leur première jeunesse, de n’être pas assez propres[2], de ne s’habiller point d’assez bon air, et de n’étudier pas assez les leçons que leurs maîtres à danser et à chanter leur donnent, ne prouvent-elles pas ce que je dis ? Et ce qu’il y a de rare est qu’une femme qui ne peut danser avec bienséance que cinq ou six ans de sa vie, en emploie

  1. Galanterie signifie ici l’agrément des manières et toutes les choses du goût.
  2. Propre se prenait dans le sens d’élégant, de bien mis.