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malgré l’exil et la misère, un certain Jean Gassan qui figure dans son testament comme « gardant le perroquet. » Louis XIV enfant eut « deux baladins. » Mademoiselle avait une naine, qui ne prit sa retraite qu’en 1645. Les registres du Parlement pour cette année-là contiennent à la date du 10 mai des lettres patentes et vérifiées par lesquelles « le roi accordait à Ursule Matton, naine de Mademoiselle, fille unique du duc d’Orléans, la faculté et permission d’établir un petit marché dans une cour derrière la boucherie neuve de Saint-Honoré[1]. »

Marie de Médicis avait complété la maison de sa petite-fille en lui donnant pour gouvernante « une personne de beaucoup de vertu, d’esprit et de mérite, » Mme de Saint-Georges, qui « connaissait parfaitement bien la cour. » Mademoiselle avoue qu’elle fut néanmoins très mal élevée, grâce à la tourbe de flatteurs à gages qui remplissait les Tuileries, et qu’il n’a pas tenu à son entourage qu’elle ne devînt insupportable : « Il est très ordinaire, dit-elle, de voir les enfans que l’on respecte et à qui l’on ne parle que de leur grande naissance et de leurs grands biens, prendre les sentimens d’une mauvaise gloire. J’avais si souvent à mes oreilles des gens qui ne me parlaient que de l’un et de l’autre, que je n’eus pas de peine à me le persuader, et je demeurai dans un esprit de vanité fort incommode, jusqu’à ce que la raison m’eût fait connaître qu’il est de la grandeur d’une princesse bien née de pas s’arrêter à celle dont l’on m’avait si souvent et si longtemps flattée. » Elle en était venue, toute petite encore, à ce degré de sottise, de ne pas aimer qu’on lui parlât de sa grand’mère maternelle, Mme de Guise : « Je disais : — Elle est ma grand’maman de loin, elle n’est pas reine. »

On ne voit pas que Mme de Saint-Georges, cette personne de tant de mérite, ait rien fait pour neutraliser les mauvaises influences. Pendant tout le XVIIe siècle, les idées sur l’éducation des filles ont été très hésitantes, à cause du peu d’importance que l’on y attachait. Fénelon pouvait encore écrire en 1687, après les progrès réalisés sous la double influence de Port-Royal et de Mme de Maintenon : « Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles ; la coutume et le caprice des mères y décident souvent de tout ; on suppose qu’on doit donner à ce sexe peu d’instruction ; l’éducation des garçons passe pour une des principales affaires

  1. Mémoires de Mathieu Molé, t. III, p. 132, note.