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était le jardin, séparé du palais par une muraille et une large rue, et divisé comme de nos jours en parterres et en quinconces. On venait beaucoup s’y promener. La cour et la ville s’y coudoyaient autour de la Volière et de l’ « Etang aux cygnes, » dans le Dédains et devant l’ « écho, » et s’y servaient de spectacle l’une à l’autre. La place de la Concorde n’était encore qu’un « grand désert en friche qu’on appelait la Garenne aux lapins, et où avait été bâti le chenil du roi[1]. » L’enceinte de Paris séparait les Champs-Elysées de cette friche et venait se relier à la Seine, au lieu où se trouve le pont de la Concorde, par la porte « de la Conférence »[2], qui assurait à la cour de France une sortie sur la campagne.

Le célèbre jardin de Regnard, où se passèrent plusieurs scènes historiques, fut associé aux plus anciens souvenirs de Mademoiselle. Il avait été pris sur la partie de la Garenne située entre la porte de la Conférence et le jardin des Tuileries. Regnard était un ancien valet de chambre de grande maison, qui « avait de l’esprit, était souple, obligeant, » de « manières commodes[3], » bref, un précurseur des Scapin et des Mascarille de Molière. Mazarin trouvait plaisir et profit à causer avec lui. Son jardin était un lieu de délices, « le rendez-vous ordinaire des seigneurs de la cour et de tout ce qu’il y avait de galant en ce temps-là. » Les belles dames y venaient, les reines y venaient ; on y nouait des intrigues amoureuses et l’on y complotait la chute du ministère. Les hommes s’y donnaient des dîners fins où ils roulaient sous la table au dessert. Les femmes s’y offraient « la collation. » On y trouvait le bal, la comédie, des concerts sur l’eau, des sérénades dans les massifs, on s’y rencontrait, on y apprenait les nouvelles du jour : on ne pouvait plus vivre sans Regnard.

Le Cours-la-Reine, création de Marie de Médicis, se trouvait en dehors de Paris. C’était une promenade de « quinze cent quarante pas communs[4] » de longueur, avec un rond-point au milieu. Le beau monde, le bon et le mauvais, y montrait ses toilettes et ses équipages. Mlle de Scudéry nous en a laissé la

  1. Sauval (1620-1670), Histoire et recherches sur les antiquités de Paris.
  2. La porte de la Conférence fut bâtie lors des grands travaux commencés en 1633 « par les grands desseins et conseils du cardinal de Richelieu. » (Gomboust.)
  3. Piganiol de la Force (1673-1753), Description de la ville de Paris, etc.
  4. Gomboust, Paris en 1652.