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sciences curieuses[1]. » Il était enjoué et d’accès facile. Son humeur le portait à la raillerie, toutefois c’était sans méchanceté ; il était bon : tous le disent de cet homme qui a été le Judas de tant d’autres. Il aurait fait un prince Charmant s’il avait eu un grain de sens moral, et sans la faiblesse et la poltronnerie, presque incroyables à ce degré, qui « salirent tout le cours de sa vie, » dit encore Retz, et en firent le plus méprisable des êtres. Monsieur entra dans toutes les intrigues faute d’avoir la force de refuser, et il n’eut pas davantage la force, pas une fois, d’aller honnêtement au bout de ses engagemens. La peur le saisissait, et rien alors, rien ne pouvait l’arrêter. Il était lâche avec impudeur et une sorte d’éclat ; il l’était, ce qui est pire, avec habileté, comme dans l’affaire Chalais, et n’en éprouvait ni honte ni remords, aussi insensible à l’amitié qu’à l’honneur. Ses associés trahis et perdus. Monsieur sifflotait un air, faisait une gambade, et n’y pensait plus.


II

Le duc et la duchesse d’Orléans revinrent à Paris dans la seconde quinzaine d’octobre. La cour habitait alors le Louvre. Le jeune couple y eut son appartement, dont le courtisan ne fut pas long à apprendre le chemin. A peine arrivée, Madame avait déclaré sa grossesse. C’était un grand événement, en l’absence d’héritier direct de la couronne. La foule se précipita chez l’heureuse princesse qui allait mettre au monde un futur roi de France. Elle-même en avait la tête tournée, toute sage et modeste qu’elle fût. Elle faisait parade de ses espérances, « croyant déjà d’avoir un fils lequel dût tenir la place d’un dauphin. Chacun lui portait ses vœux et ses acclamations, et tout le monde allait à Monsieur comme au soleil levant[2]. » Monsieur ne demandait qu’à se laisser faire et respirait cet encens avec « félicité. » Le mari et la femme jouissaient à l’envi de leur importance et promenaient des visages triomphans dans ce palais peuplé de soucis et de rongemens d’esprit.

Le Louvre était on soi-même, politique à part, un séjour peu agréable. Au dehors, l’aspect en était rude et sombre du côté de Saint-Germain-I’Auxorrois, où subsistaient encore des restes de

  1. Mémoires de Mme de Motteville.
  2. Mémoires de Gaston.