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de l’Afrique pour observer une éclipse de soleil, qu’un naturaliste, le docteur Holland, de Pittsburg, prendrait part à l’expédition pour le compte du Musée, et qu’ayant besoin d’un aide, il l’emmènerait volontiers. M. Brown eut un mouvement d’hésitation, mais les Américains n’hésitent jamais longtemps. Au dernier moment, le docteur Holland ne put partir, et le naturaliste-adjoint devint naturaliste en chef. On lui avait certifié que son absence durerait six mois ; il était à mille lieues de se douter qu’il resterait huit ans en Afrique.

Après avoir séjourné à Saint-Paul de Loanda, parcouru les bords du Coanza, collectionné des mammifères, des oiseaux, des poissons, des reptiles, des insectes et des plantes, il se rendit au Cap. On n’y parlait que de champs d’or et de diamans récemment découverts, d’une contrée merveilleuse, qui était le véritable pays d’Ophir : on s’y entretenait avec mystère et avec agitation des projets de M. Rhodes, d’une nouvelle compagnie à charte, des Matabélés, des Mashonas. M. Brown, à force de questionner, finit par éclaircir ses idées. Il apprit que dans le voisinage du Zambèze se trouvait un pays salubre, riche en dépôts minéraux, jadis habité par une race civilisée, d’origine inconnue, présentement gouverné par un potentat sauvage, nommé Lo Bengula, que ce pays était situé à l’est des possessions portugaises d’Angola et du territoire de Damara, acquis par l’Allemagne, au sud de l’État libre du Congo, au nord du Transvaal, qu’il égalait en étendue les territoires réunis de l’Empire allemand et de la France, que M. Cecil Rhodes s’était promis d’en prendre possession. En octobre 1888, le grand homme d’État de l’Afrique du Sud avait dépêché trois négociateurs à. Lo Bengula et conclu avec lui un arrangement par lequel ce monarque, moyennant une pension mensuelle de cent livres sterling et le don de mille fusils Martini, de cent mille charges de cartouches et d’un bateau à vapeur sur le Zambèze, accordait aux concessionnaires le droit d’exploiter toutes les mines situées dans ses domaines et de prendre toutes les mesures nécessaires à cette exploitation.

Une société financière s’était fondée à Londres sous le nom de Compagnie britannique du Sud ; son capital montait à un million de livres sterling. Une charte royale lui fut octroyée, l’autorisant à mettre à effet toutes les conventions passées avec certains chefs indigènes, vassaux de Lo Bengula, « dans l’intérêt du commerce, de la civilisation et du bon gouvernement de leurs territoires. » Dès les premiers mois de l’année 1890, cette compagnie s’occupa de préparer une expédition destinée à pousser des reconnaissances dans la terre promise. M. Brown conçut aussitôt le plus vif désir de prendre part à cette campagne ; il