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à la réforme du baccalauréat ? — ne soit qu’une espèce de réquisitoire, et de réquisitoire assez partial. C’est ce que suffiront à montrer deux ou trois citations. « Peut-on nier qu’il ne soit possible, s’écrie M. Pozzi, de devenir bachelier par la simple étude de Manuels, par un séjour de quelques mois dans des boîtes à bachot ? » et, dans un autre endroit : « Le candidat est jugé en quelques minutes, sur un petit nombre de réponses, par des examinateurs pressés. » Mais, sans compter que, si MM. les examinateurs sont pressés, ils n’ont donc qu’à prendre leur temps, M. Pozzi a-t-il oublié que le baccalauréat ne consistait pas uniquement ni même principalement dans l’examen oral ? et, s’il ne l’a pas oublié, je lui serais obligé de vouloir bien me dire dans quels Manuels on apprend l’art de disserter par écrit, sans savoir un peu de français, sur une tragédie de Racine ou sur une Maxime de La Rochefoucauld, comme aussi dans quelles « boîtes à bachot » on se rend capable, sans un peu de latin, de traduire vingt-cinq vers de Virgile ou une lettre de Cicéron. M. Pozzi, dans un autre endroit de son Rapport, répond à ceux qui craignent, ou qui affectent de craindre que, si le baccalauréat était remplacé par un certificat d’études, les professeurs de l’Université ne fussent tentés d’user de quelque indulgence ou de quelque complaisance envers leurs propres élèves ; et il dit : « Il faut poser en principe que nos professeurs de l’Université sont gens de conscience et de savoir, même dans les petits établissemens. » Et, nous, ce qu’il pose en principe, nous ne le posons pas seulement en principe, mais en fait. Oui, nos professeurs de l’Université sont « gens de conscience ; » et, chargés de juger leurs élèves, M. Pozzi a raison de le dire, je craindrais plutôt qu’ils n’y missent — « par conscience » — quelque excès de sévérité. Mais, un peu plus loin, quand M. Pozzi en arrive à parler de l’enseignement libre, il n’hésite pas à écrire que, s’il ne s’agit que de commettre quelque fraude « pour attirer à eux les élèves, » les établissemens libres y sont dès à présent tout prêts. « Et ainsi, ajoute-t-il, on aura fourni des armes pour la lutte parfois déloyale qui est faite à l’Université, et qui a déjà amené une inquiétante diminution dans le recrutement de ses lycées et de ses collèges. » M. Pozzi connaît-il de ces « fraudes ? » a-t-il des preuves de la « déloyauté » qu’il reproche à nos concurrens ? Car ce sont là de bien gros mots ! Et d’insinuer ainsi sans prouver, ni même essayer de prouver, pense-t-il que ce soit de l’impartialité ?