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ans plus tard, Washington n’avait encore que 23 000 habitans, la banlieue dix mille. C’est à ce moment que M. de Bacourt, notre ministre auprès du gouvernement américain, rendait compte, en ces termes, de ses impressions de nouvel arrivant :

« Nous avons visité la ville, qui ne se compose en réalité que d’une seule rue, l’avenue de Pensylvanie ; elle a 3 milles de long ; à une extrémité se trouve le Capitole. le plus beau monument des États-Unis ; à l’autre extrémité est la maison du Président, entourée de toutes les administrations.

« L’avenue de Pensylvanie est coupée par des rues transversales dans chacune desquelles il y a à peine cinq ou six maisons bâties ; d’autres rues rayonnent vers la maison du Président ; mais elles ne sont pas plus avancées, dans leur construction, que les rues transversales ; de sorte que de tous les côtés, en faisant cinq cents pas, on se trouve à la campagne. L’avenue est plus large de moitié que la rue de la Paix ; elle est plantée et garnie de trottoirs en briques ; le milieu macadamisé et jamais arrosé est un terrible amas de poussière l’été et un cloaque l’hiver. Les autres rues ne sont pas pavées non plus, mais ont des trottoirs. L’aspect de la ville est assez joli en cette saison, à cause de la verdure ; mais quand les arbres sont dépouillés de leurs feuilles, ce doit être encore plus triste que Carlsruhe. Les maisons à un seul étage, et toutes en briques rouges, ont une apparence mesquine et sont beaucoup trop éparpillées pour les 25 000 habitans qu’elles contiennent. »

Et plus loin :

« Malgré la tristesse qui y règne, Washington est si peu paisible la nuit qu’on a peine à y dormir ; on entend un perpétuel vacarme et cela tient à ce que presque tous les habitans ont des vaches et des cochons, mais pas d’étables.

« Ces animaux circulent nuit et jour dans la ville et viennent seulement, matin et soir, chercher un peu de nourriture chez leurs propriétaires ; on voit alors les femmes traire les vaches sur les trottoirs, en éclaboussant de lait les passans. La circulation nocturne de toutes ces bêtes qui cherchent à s’abriter produit un sabbat infernal auquel prennent part les chiens et les chats qui, parfois, leur livrent bataille... »

Un peu plus tard, enfin, en hiver :

« Washington, ce n’est ni une ville, ni un village, ni la campagne ; c’est un chantier de construction jeté dans un