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une pensée très juste, s’il avait soupçonné que cette ironie dût être si tôt démentie par les faits...

Bientôt, en effet, commençaient à s’élever sur un plan dont l’ampleur, il faut le reconnaître, devait paraître excessive à plus d’un bon esprit, ces vastes édifices avec lesquels ni la République, ni sa capitale ne seraient peut-être encore à l’unisson, à l’heure où nous sommes, sans les multiples surprises du siècle qui s’ouvrait alors et qui va finir. Le petit port fluvial de Georgetown, à 2 ou 3 milles de ces premières assises, était, à cette époque, le seul groupement de population, bien modeste, d’ailleurs, à signaler dans le voisinage des chantiers. Bien que sa réunion future au centre national qui se créait non loin de lui eût sa place, sans nul doute, dans les conceptions du tracé primordial, qui eût pu prévoir qu’en moins de trois générations ce faubourg serait rejoint et absorbé par la sœur cadette, la grande ville encore dans les limbes ?

Presque au début de ces travaux, en 1814, Washington fut, on s’en souvient, ravagé par les troupes britanniques, durant la lutte que les États-Unis, entraînés dans l’orbite des guerres napoléoniennes, furent amenés à engager avec l’Angleterre. Depuis lors, pendant cinquante ans, aucun épisode bien saillant n’est à noter dans son histoire redevenue incolore. Seule, l’investiture suprême conférée tous les quatre ans au Président sur la terrasse du Capitole, ramenait, à dates fixes, le même fait historique et marquait en quelque sorte les olympiades de la République américaine. Sans l’assassinat de Lincoln et sans le péril que fit un moment courir à la capitale l’approche des Confédérés en 4862, nous n’aurions guère à relever, dans la succession des étapes qui ont déterminé son évolution jusqu’à nos jours, que des sujets de tableaux plus tentans pour le crayon de l’économiste que pour la palette du peintre.

Aussi bien est-ce là, dans l’évolution économique de Washington, dans son administration et dans la prospérité qui en est l’œuvre que réside l’objet de notre étude et l’intérêt essentiel de cette remarquable ville.

En 1800, la population du district fédéral, dans son périmètre actuel, était de 3 210 âmes pour la ville proprement dite, et de 5 000 âmes environ, pour les localités suburbaines[1]. Quarante

  1. Nous ne tenons pas compte de la ville d’Alexandrie restituée à la Virginie en 1846.