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trop à sa tournure élégante. Mais, pour peu que l’on s’éloigne de ces belles parties, on est frappé du maigre effet qu’elles produisent dans l’ensemble. Et puis, que dire des dames d’honneur debout derrière Joséphine, avec une insignifiance de poupées ? Tous les personnages de l’entourage sont privés de type, chaque fois que la ressemblance n’est pas rigoureusement exigée. Peut-on voir un groupe plus banal que celui des comparses qui terminent la composition à gauche, misérablement guindés dans leurs uniformes d’un ton louche et blafard ?

L’art exige plus de sincérité.

En résumé, dans toutes les occasions où David est astreint à la vérité, comme dans les portraits, dans des choses qui demandent l’exactitude, il retrouve ses qualités. Mais, partout où il peut se livrer à son idéal, il redevient inexpressif et faux. Non seulement il perd alors tout accent juste, mais son exécution elle-même, parfois si sûre, devient veule, léchée et débile. Comment l’homme qui a peint les Gantoises peut-il descendre jusqu’à ce paravent niais qui a nom : les Amours d’Hélène et de Pâris ? Oui, David a regardé la Grèce ; mais il n’a pas connu les modèles qui lui eussent appris à accentuer les types, même en les simplifiant ; il s’est complu aux grâces bellâtres d’une décadence qui, même au pays des dieux, n’avait pas tardé à succéder aux immortels chefs-d’œuvre.

En nous éloignant de cette vaste toile du Sacre, saluons au passage la charmante Mme Vigée-Lebrun et sa jolie fillette, groupe si tendre dont l’exquise grâce, je le sais, n’est pas exempte d’une nuance d’afféterie qui ne serait pas à sa place sous un pinceau masculin, certaines délicatesses d’âme étant, par la nature, refusées au sexe fort. Comme cette mère est adorable d’idolâtrie berceuse ! Comme l’enfant doit se mirer avec ravissement dans ses yeux limpides ! Ici, en vérité, la peinture est femme et donne bien ce que l’on attend d’elle.

J’arrive, dans ce même Salon Carré de l’école française, à un saisissant tableau : La Justice et la Vengeance poursuivant le Crime. Il est l’une de nos plus belles gloires. Tandis que David triomphait et que la faveur publique allait aussi à ses élèves, à Gérard, à Guérin, à Carle Vernet, Prud’hon, — que l’on a appelé le Corrège français et qui, par un étrange hasard, ressemblait à André Chénier avec lequel, dans un art différent, il avait d’autres affinités comme talent, — Prud’hon, longtemps obscur, luttait dans