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vu qu’il en arrive, à l’heure actuelle, en Tunisie, malgré la longueur du chemin, cherchant ce qui est pour eux un haut salaire, à savoir 1 fr. 75 à 2 francs par jour. La main-d’œuvre, pour les travaux publics, ceux des mines et carrières qui deviennent de plus en plus nombreux, ceux même des exploitations agricoles européennes, se fait rare dans nos possessions du nord de l’Afrique. Le Transsaharien pourrait, pour 75 à 80 francs, transporter en quatre jours un noir de la région du Tchad en pleine Algérie ou Tunisie. Dans ces conditions, il est certain que, à la longue, des dizaines de milliers de noirs du Soudan viendraient faire des campagnes de deux ou trois ans dans nos colonies méditerranéennes pour y amasser un pécule et retourner ensuite chez eux.

Ils gagneraient facilement 500 à 600 francs par année dans la région méditerranéenne, dont ils économiseraient au moins la moitié, sinon les deux tiers ; cela leur permettrait de revenir au bout de deux ans et demi ou trois ans avec un pécule de 600 à 700 ou 800 francs nets, frais d’aller et de retour déduits ; au Soudan, c’est là une petite fortune, facilement acquise, étant donnés les goûts migrateurs des noirs. D’après une appréciation très modérée, une quinzaine de mille noirs pourrait chaque année voyager ainsi dans chaque sens, entre le Soudan et la Méditerranée, soit 30 000 en tout, et procurer au Transsaharien une recette d’environ 2, millions à 2 millions et demi par an, soit de 800 à 900 francs par kilomètre. Il faudrait y ajouter le trafic local, qui, dans certaines régions sahariennes, sera important, entre l’Aïr, par exemple, et le Soudan. Avec les transports postaux, qui sont appelés à être très considérables, les petits colis à grande vitesse, les voyageurs blancs de toute catégorie à destination de tout le centre de l’Afrique, les migrations de noirs entre le Soudan, l’Algérie et la Tunisie, paraissent bien devoir fournir ensemble un trafic de 7 à 8 millions au Transsaharien proprement dit, soit de 3 000 francs environ par kilomètre ; ce serait plus qu’il ne faut pour les frais d’exploitation, étant donné que la Compagnie de Bône à Guelma exploite les chemins de fer tunisiens à voie étroite, ayant deux trains par jour dans chaque sens, à un peu moins de 2 000 francs par kilomètre ; les 1 000 francs d’écart compenseraient largement le surcroit de charge qui pourrait résulter du climat et des difficultés locales.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que du trafic des voyageurs et des