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et demie plus de temps et deux fois et demie plus de dépenses.

Il est dans la nature du développement des idées, même de celles qui visent une application pratique, d’exiger une longue période d’incubation, puis, tout à coup, après qu’on les a crues perdues, et que personne ne paraît y songer, de surgir avec éclat et d’attirer l’attention générale. Un explorateur, Soleillet, chargé d’une mission au Touat par la Chambre de commerce d’Alger, en 1874, par la bien de jeter un chemin de fer à travers le Sahara, mais cet appel n’eut pas de retentissement. Il s’écoula vingt ans après la déclaration si remarquable du commandant Hanoteau, jusqu’au livre, qui fit un moment tant de bruit, de l’ingénieur en chef Duponchel, sur le Chemin de Fer transsaharien. Cet ouvrage parut en 1879. L’auteur, avec une grande science technique, un admirable élan patriotique, une foi communicative, des vues très vastes sur l’avenir de la France, signalait l’utilité, la praticabilité, l’exécution même facile et relativement peu coûteuse de l’œuvre qui s’imposait, suivant lui, et s’impose encore, suivant nous, à notre patrie. Il voyait dans le Soudan central, entre le Niger et le Tchad, dans cette région de Sokoto, Kano, Gando, Kouka, sur lesquelles la Grande-Bretagne n’avait pas encore glissé sa main, les futures « Indes françaises. » C’est là que nous devions porter notre activité, trouver, à nos portes, à ces cinq ou six jours de distance de Paris, ce domaine tropical que les autres nations ne peuvent obtenir qu’à des semaines ou des mois d’éloignement de leurs côtes. Plût au ciel que la voix de Duponchel eût été alors entendue ! Nous fûmes de ceux qui, dès la première heure, lui firent écho et recommandèrent son projet au public. S’il eût été alors réalisé, toutes les destinées de la France s’en fussent trouvées agrandies. Communiquant, dès 1889 ou 1890, parterre avec le Soudan central, nous eussions possédé tout le nord de l’Afrique, et il nous eût toujours été facile de faire respecter nos droits en Égypte. Les péchés d’omission, dit-on, sont les plus graves pour les hommes politiques ; l’occasion négligée ne se représente jamais complètement ; rien ne se répare, mais au moins peut-on éviter des négligences nouvelles. Actuellement, l’Angleterre s’est faufilée sur le Sokoto et le Bornou, et il ne peut plus être question de nous attribuer ces belles contrées ; mais ce qu’on nous a laissé autour du Tchad et les domaines que nous nous sommes nous-mêmes taillés dans toute la région environnante valent encore un grand effort, et le Transsaharien