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Dé- a arrêté un cheval par la bride, et tenté de lui faire prendre le chemin de l’Elysée : acte coupable, certes, mais qui n’a pas été regardé comme très sérieux, et que le jury a cru suffisamment expié par trois mois de prison préventive. Disons en passant que la durée de cet emprisonnement a été en effet excessive, et ne peut se justifier par rien : si l’on a voulu faire acquitter M. Déroulède, il était difficile d’user pour cela d’un meilleur moyen. Pendant une des audiences de la cour d’assises, M. Quesnay de Beaurepaire, appelé en témoignage par M. Déroulède, a réédité oralement un récit qu’il avait déjà mis en brochure, et qui se rapporte aux affaires de Panama. Nous ne prendrons pas la peine de défendre M. Loubet contre les accusations dont il a été l’objet à ce propos, mais ces accusations, renouvelées dans un moment où les imaginations fermentaient et cherchaient un prétexte à éclater, ont provoqué, sur l’hippodrome d’Auteuil, des cris injurieux, et pis encore, car, dans le désordre qui a suivi, une canne s’est levée sur la tête de M. le Président de la République. On a accusé le comité des courses d’Auteuil ; le bruit s’est répandu bientôt que le complot, — c’est le mot dont on s’est servi, — avait été monté par les gens du monde, ou, comme on a dit, par les gens de cercle, et que cette origine en déterminait le caractère. S’il en était ainsi, il faudrait traiter sévèrement des hommes qui, après avoir invité M. le Président de la République à honorer les courses de sa présence, se seraient conduits ainsi à son égard. Mais la vérité est que, si la police avait été avertie que des manifestations se préparaient, personne n’avait pensé qu’elles pouvaient éclater dans l’enceinte du pesage, où tout le monde pourtant entre au moyen d’un louis. Les membres du comité des courses, désolés et indignés, se sont empressés d’apporter leurs excuses à M. le Président de la République, et M. Loubet leur a déclaré aussitôt qu’il ne les rendait en rien responsables d’un incident qui échappait à toute prévision. Depuis, il a eu le bon esprit et le bon goût d’en atténuer encore l’importance, en se bornant à dire qu’il regrettait qu’une telle scène se fût produite dans un moment où il était entouré des représentans de l’étranger.

L’incident, néanmoins, méritait d "être pris au sérieux : le malheur est que le ministère l’a pris terriblement au tragique. Il suffisait de laisser les choses à leur cours naturel, et le simple jeu de l’action et de la réaction aurait amené dimanche dernier une éclatante manifestation de sympathie envers M. Loubet. L’indignation avait été si vive après Auteuil qu’une réparation spontanée se serait produite à Longchamps : cela était immanquable. Mais les radicaux et les socialistes entendaient