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Tout cela, c’est le symbolisme : il est par ses signes, affirme M. Minot, une « langue universelle. »

Il craint, pourtant, qu’elle ne soit « point apte à être comprise de plain-pied ; » et cette crainte le rend assez peu favorable aux rituels pour tenue blanche qui ont fait la réputation de M. Blatin. Mais peu nous importe cette querelle entre officians, d’autant qu’en fait les grimoires occultes de M. Minot ne sont pas plus introuvables pour les bouquinistes profanes que les missels élémentaires de M. Blatin. Le symbolisme est, pour la maçonnerie, un élément essentiel ou tout au moins fort important : c’est là un premier fait; les textes authentiques affluent pour le prouver, sans qu’il soit besoin de parler ici de satanisme ni de ressusciter de la fosse du mépris, où il s’est définitivement abîmé, le fantôme mystificateur de Diana Vaughan, associée de Lucifer.


II

Derrière l’image, cherchons l’idée; et derrière le symbole, la pensée. Le même symbole, à des époques successives, peut abriter des contenus assez différens ; et, comme on peut être assuré que les Bourbons ou Lamartine n’interprétaient point le symbolisme maçonnique comme le font M. Blatin ou M. Minot, il nous faut ici tenir compte des dates et ne point remonter au delà de trente-cinq ans en arrière. En l’an 1864, Alexandre Massol, vénérable de la loge de la Renaissance, faisait grand bruit dans le monde maçonnique. Il était né en 1806, s’était fait saint-simonien, avait suivi jusqu’en Égypte les pérégrinations du Père Enfantin, collaboré, sous la seconde République, au journal de Lamennais, puis à celui de Proudhon; et sous l’Empire, enfin, il partageait son temps entre l’industrie et la maçonnerie. « La systématisation de la morale indépendante, » tel était son rêve : il y voyait, paraît-il, « l’œuvre capitale du siècle, l’aboutissant final de tous les efforts scientifiques depuis le mouvement de la Renaissance, et le seul moyen de coordonner l’éducation laïque, cette garantie du suffrage universel, coordination impossible tant qu’on restera dans les données théologiques ou métaphysiques[1]. »

  1. Adrien Desprez, Massol, p. 20. À la photographie de la Maçonnerie française, Paris, 1865.