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QUIQUERN
CONTE

— Il a ouvert les yeux. Regarde !

— Remets-le dans la peau. Ce sera un beau chien. A son quatrième mois, nous lui donnerons un nom.

— Et pour qui ? demanda Amoraq.

Les yeux de Kadlu firent le tour de la hutte de neige tapissée de peaux, et vinrent s’arrêter sur Kotuko, âgé de quatorze ans, qui, assis sur le banc de repos, taillait un bouton dans une dent de morse.

— Pour moi, — dit Kotuko, avec un large sourire. J’en aurai besoin un jour.

Kailu répondit par un autre sourire qui fit disparaître ses yeux dans le gras de ses joues plates, et hocha la tête en regardant Amoraq, tandis que la mère du petit chien geignait farouchement à voir son bébé se démener hors d’atteinte et bien au chaud dans le petit sac de peau de phoque qui pendait au-dessus de la lampe à graisse. Kotuko continua à sculpter, et Kadlu, ayant jeté un paquet de harnais de chiens dans une chambre minuscule qui s’ouvrait sur un des côtés de la maison, se mit en devoir d’enlever son lourd costume de chasse en peau de renne, le plaça dans un filet de fanons de baleine pendu au-dessus d’une autre lampe, et tomba sur le banc de repos, où il resta à taquiner un morceau de viande de phoque gelée en attendant qu’Amoraq, sa femme, apportât le dîner habituel de viande bouillie et de soupe au sang. Il était allé, dès le matin, à l’aube, aux trous de phoques,