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l’« universelle mimique; » ils se succèdent en ordre, rituellement. Voici venir l’équerre, le compas, le niveau, le maillet, la règle; et le Vénérable, tour à tour, commente les symboles: « Frère qui portez l’équerre, venez déposer sur cette table ce symbole de la rectitude et de la précision qu’une famille de maçons doit s’efforcer d’apporter dans ses pensées, dans ses paroles et dans ses actes… Frère qui portez le niveau, déposez sur cette table le symbole de l’égalité qui doit régner dans un ménage de maçons. » Lorsque est achevée l’explication, le frère grand expert intervient, porteur du cordon conjugal, qui doit être « de dimension suffisante pour pouvoir embrasser, en même temps, les deux époux : » il le place « en écharpe, de l’épaule droite de l’époux à l’aisselle gauche de l’épouse, » et le Vénérable reprend : « Que ce cordon commun qui les enlace emblématise pour eux les générations nouvelles qui naîtront de leurs communes tendresses et qui, pareilles à ces lianes dont les tiges flexibles unissent deux arbres centenaires, les attacheront plus étroitement l’un à l’autre par les liens d’un filial et jeune amour, et les couvriront encore de frais feuillages et de fleurs, alors qu’ils seront déjà sur le point de s’affaiblir et de disparaître. »

Une pause : voici l’Amour. « Contrairement à la doctrine catholique, disait tout à l’heure le Vénérable, la Maçonnerie sait que, dans toute la nature, l’amour est le régulateur souverain de la vie de l’espèce, qu’il est la grande force inconsciente qui préside, à travers les âges, à l’antagonisme harmonique de l’hérédité et de l’adaptation. » Les époux, peut-être, comprenaient mal: mais M. Blatin commande, et le Vénérable après lui, qu’une baguette leur soit apportée, faite « de verre transparent, rayée à la lime ou au diamant dans son milieu ; » et cette baguette, c’est l’amour. Elle est mise aux mains des mariés. Le Vénérable leur dit, avec des périphrases liturgiques, qu’elle est pure et fragile : « que cet emblème vous rappelle que l’amour a besoin de soins attentifs et constans. » Et tandis que le couple timide, tenu lui-même par le cordon conjugal, détient avec vigilance la baguette d’amour, le Vénérable, pressé de rendre « hommage à la logique et à la sagesse des législateurs républicains qui ont introduit dans nos lois le principe du divorce, » ordonne au frère grand expert, — une façon de diacre, — de reprendre la baguette et de la briser sous les yeux des conjoints : on leur explique, longuement, qu’ils pourront divorcer. Vite un peu de vin, pour écarter les