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banques reçoivent des dépôts, payant généralement 1 pour 100 d’intérêt, vendent des traites et spéculent sur le cours de l’argent.

Les grandes banques, en acceptant ou refusant les billets de telle maison, en précipitant sur le marché l’argent ou les sapèques, règnent dans la corporation et ont dans leurs mains tout le sort du marché ; les quatre Heng, que j’ai cités, par la masse de leur encaisse, la solidité de leur crédit, le nombre de leurs succursales ou correspondans, n’ont pas d’égaux, au moins dans la Chine du Nord. Toutes les opérations de bourse se font au marché à l’argent, qui se tient chaque jour dans la partie sud-ouest de la ville chinoise, en pleine rue, auprès d’un temple taoïste ; la réunion a lieu de bon matin, en été tout est fini à six heures ; les valeurs à vendre, billets ou traites, argent, or ou sapèques, sont étalées sur le sol, toutes les opérations étant réelles. Chacune des maisons de Péking est représentée, et personne n’a garde de manquer de peur qu’on le croie en fuite. Dès que le cours est fixé, les uns le télégraphient à leurs correspondans de province, les autres lâchent un pigeon qui va le porter à la maison principale dans la ville tartare. De plus, les courriers de la corporation, au nombre de sept ou huit, le répandent chez les changeurs et les banquiers ; ces courriers sont en même temps des agens à la dévotion des syndics, ils connaissent le chiffre d’émission de chaque maison, savent si tel patron est vraiment malade ou se dissimule, et, par leurs rapports, décident des boycottages et des déconfitures. Tout se passe, d’ailleurs, en pleine liberté, sans surveillance de l’Etat, sans impôt sur les transactions, sans autre ingérence que l’interdiction des marchés fictifs. La bourse des grains est de même le domaine presque exclusif de la corporation des marchands de grains, l’État n’intervenant qu’en cas de famine dans la région ; elle est d’ailleurs moins importante, les cours ne sont fixés que les 2 et 16 de chaque mois, et c’est seulement à la deuxième et à la huitième lune qu’ont lieu les variations considérables : c’est, en effet, au printemps et à l’automne que les fonctionnaires, recevant leurs bons d’appointemens en grains, les négocient sans tarder ; du nombre des bons négociés, des stocks disponibles ainsi que des prévisions de l’année, dépendent la hausse et la baisse.

Outre les corporations marchandes, il existe aussi des corporations d’artisans ; les brodeurs et les fabricans de cloisonnés, les tanneurs et les charpentiers ont les leurs ; il est vrai que ces métiers